Extrait du journal
Je ne blâme pas de Mun d’avoir cherché à faire triompher ses idées par les moyens qui s’o(Traient à lui, et je l’en louerais même si la loi qu’il a votée ne me le défendait. Mais, j’ai le droit de dire qu’il faut avoir un joli aplomb, j’allais écrire un beau cynisme, quand on vient d’échapper soi-même à la Haute Cour, pour voter des lois per mettant d’envoyer à Vile du Salut des journalistes coupables d’avoir commis le délit essentiellement vague de ma nœuvres contre la sûreté de l’Etat ou d’appel indirect â la désobéissance dans l’armée. Quoi qu’en pense M. de Cassagnac, de Mun pouvait parfaitement ne pas se croire lié par les discours qu’il avait prononcés à Vannes alors que le comte de Chambord vivait. Il pouvait très bien dire à ses anciens amis : «Mes enfants, j’ai fait ce qu’il m’a été possible pour renverser le régime actuel, je n’ai pas réussi ; j’en ai as sez; je vais pratiquer un autre systè me et essayer de m’introduire dans la place. » w Il devait ajouter en tout cas : « Ce que je ne ferai pas, ce que je suis in capable de faire, moi, le loyal gentil homme, c’est de mettre ma main dans la main des Reinach et des Dupuy pour enlever des armes à ceux de mes an ciens compagnons qui persistent à lut ter sur un terrain que je crois mau vais. » Comme chrétien, de Mun ne pouvait se méprendre sur l’iniquité à laquelle il se prêtait. Ce n’est pas un JeanJean, un novice, un niais. Il sait mieux que personne ce qu’est le personnel policier qui compte ou a compté parmi les plus brillants fleurons de sa cou ronne les Souffrain, les Foubert, les Isaïe Levaillant, les Soinoury, les Puibaraud. Nous l’avons tous entendu parler de la magistrature actuelle avec le plus souverain mépris. En votant l’instruction secrète, les débats clandestins, l’interdiction de rien publier de favorable â la défense, en refusant à des innocents qui au raient pu être victimes d’un complot de police, la garantie même du jury que demandait M. Julien Dumas, de Mun commettait froidement une action abominable. Comment un homme comme Albert de Mun a-t-il pu être entraîné à cette trahison dont les Républicains ne lui ont su aucun gré? C’est à l’analyse phsycliologique qu’il faut le deman der. C’est un patricien. Il l’est dans la moelle des os, sous l’apparent bon garçonnisme de la poignée de main. Il considère que tous les autres hommes sont créés et mis au monde pour le servir et l’aduler, sans qu’il soit tenu à aucun égard envers eux, puisqu’ils n’ont fait que leur devoir. Il faut ajouter qu’il a, pour les journalistes, le dédain qu’ont la plu part des chefs de la Droite. Les vieux journalistes, qui se sont dévoués pour une cause et que l’on met au rancart par manque de fonds, n’ont au cune importance pour les aristocrati ques représentants de la monarchie. Quand ils sont reçus le matin, ils le sont après le pédicure, qui rend des services utiles. Les journalistes fondent, â travers mille obstacles et mille dangers, des journaux qui ont une influence plus ou moins grande sur l’opinion; ils ont des procès, des duels, des ennuis de toutes sortes ; on est heureux de les trouver, ravi de la façon dont ils vous défendent ou dont ils vous célèbrent; et, quand il s’agit de complaire à Du puy et à Raynal, on ne songe même pas à demander leur avis. L’idée n’est pas venue un instant à Albert de Mun de se dire : « Si Cassa gnac, si Drumont protestent énergi quement contre cette loi, c’est peutêtre parce qu’elle est dangereuse pour la liberté. Ils connaissent la question mieux que moi; ils ont été pour moi en maintes circonstances de chauds amis et ce sont de bons défenseurs du Christ. Avant de voter, je vais aller causer avec eux. » De Mun a pirouetté avec élégance sur ses talons rouges et il s’est dit : « Ma foi, ils se débrouilleront comme ils pourront, c’est le cadet de mes sou cis... » Fort heureusement la vie est longue; on s’y retrouve et, un peu plus...
À propos
Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».
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