Extrait du journal

Le public commençant à s’émouvoir des nouvelles pessimistes émanant de côtés di vers, et tendant à faire envisager une hausse probable du. prix du pain, nous avions cru devoir examiner avec soin la situation. Après avis de meuniers, de boulangers et de courtiers en farine, nous avions pu informer nos lecteurs qu'il ne semblait pas y avoir de motifs plausibles pour justifier l’élévation du prix du pain. En tout cas, malgré les statistiques plus ou moins intéressées faisant envisager sa hausse comme la conséquence d’une récolte mondiale déficitaire, nous n’avons pas hé sité à penser que cette hausse du blé et des farinés n’était due qu’à la spéculation et rien qu’à la spéculation. C'est d’ailleurs ce que nous a confirmé, hier, un meunier du Centre qui, d’accord avec nous sur ce point, a ajouté : Quand donc supprimera-t-on la Bourse du Commerce, qui ruine les meuniers, les uns après les autres au profit des spéculateurs juifs et dignes de l’être ? Quand donc interdira-t-on tous les marchés à terme qui permettent aux boulangers des grandes villes de réaliser des fortunes au pré judice des pauvres meuniers ? Comme je vous l’ai dit déjà, ces boulangers n’achètent pas sans garantie de baisse et ils ont soin quand ils achètent d’imposer à leurs vendeurs des mar chés pour une durée de six mois, un an et même davantage. En un mot, c’est toujours le meunier qui danse. Il en résulte que les moulins à louer dans la Touraine et le Berry ne trouvent plus de preneurs. Bref, la meunerie, naguère si florissante, tra verse une crise incontestable, bien que personne ne songe à la secourir. En tout cas, les boulangers ne sont pas fon dés, — je parle bien entendu des boulangera ayant passé des marchés avec leurs meuniers, — à augmenter leur pain sous prétexte de la hausse des farines puisqu’ils n’en achèteront pas d’ici la récolte. Nous avons fait remarquer à notre inter locuteur que dette dernière opinion n’était que la confirmation de ce qui nous avait été dit par certains courtiers en farine. Quant à admettre que les gros boulan gers s’enrichissaient au détriment des meu niers, nous étions bien obligé de faire ob server l'exagération d’une telle assertion. Il est incontestable qu’en même temps qu’on voit des meuniers qui sont ruinés, on compte également des boulangers qui font faillite. Ils sont victimes les uns et les au tres de la spéculation, et souvent de leurs propres spéculations, au profit unique des agents qui les font spéculer, en touchant sur leur dos courtages sur courtages. Ce sont les mêmes courtiers qui touchent à la fois du côté du boulanger et du côté du meunier. Ces courtiers juifs, avec des boniments spéciaux, entraînent l’un et l’autre à spé culer, alors que ni le boulanger ni le meu nier ne songeaient à spéculer. Mais ces courtiers, unis par des liens de parenté, s’entendent, c’est le cas de le dire, comme larrons en foire, et l’argent rentre toujours dans la famille. Pour le moment, ce qui se passait hier à la Bourse de Commerce nous a montré que le coup de la hausse a réussi, la bande qui a conduit l’affaire semble avoir réalise, el. la baisse a commencé. Cette môme bande recommencera quand elle jugera l’heure opportune. F. Javary....