Extrait du journal
POUR DES POMMES! Je ne crains plus de l’avouer aujourd'hui, puisqu'il y a prescription : il m’est arrivé maintes fols, dans mon enfance, de cueillir des mûres dans les haies et même quelques grapillons dans les vignes. Horreur! je me souviens encore d'être un jour entré dans un verger pour y chiper une pêche ! C’était le fruit défendu, il me paraissait plus sucré que les autres. Je croyais alors risquer une taloche du propriétaire ou une verte semonce du garde champêtre. Il ne me serait pas venu à l’idée que je risquais la prison ! Je me trom pais. Je le sais maintenant. Ce que je risquais, c’était Mazas I L’autre dimanche, quatre jeunes gens — des gamins plutôt, le plus jeune a quatorze ans — rentraient d'une promenade dans les environs des bois de Clamart. Ils passaient par le GrandMontrouge. L’un portait quelques noix dans son mouchoir ; un autre avait — exactement — quatre pommes dans sa poche. Un gardien de la paix les rencontre. Je ne ais quel soupçon le démange. Il les interroge. Les enfants se troublent. Il les conduit au commissariat de police. Le commissaire de police trouve la prise bonne. Il fait les gros yeux. Les gamins avouent leur méfait. En passant au bord d’un champ, ils ont été tentés par la vue d’un pom mier chargé de pommes et d’un noyer chargé de noix. Us ont pris quelques pommes et quel ques noix. Que fait le commissaire? Il leur tire les oreil les et les renvoie? Ah ! bien oui. Il les garde. Les parents prévenus accourent. Il reste sourd à leurs supplications. Il envoie les délinquants au Dépôt. Là, nouvelles démarches des familles. Il n’y a rien à faire. Un juge d'instruction, M. Bon-, cart, est saisi. Les enfants restent trois jours au Dépôt, au pain et à l’eau. Après quoi, on conduit les plus jeunes à la Petite-Roquette et les autres à Mazas. Vous voyez, je vous le di sais bien, le jour où j’ai chipé une pêche dans le verger d’un voisin, c'est Mazas que je ris quais... Je ne suis pas curieux, mais je vou drais bien savoir si le commissaire de Mont rouge, qui se montre si rigide envers les gos ses en maraude, n’a jamais, lui aussi, abattu les noix d’un noyer qui ne lui appartenait pas ?... Quel est le passant qui ne s’est pas laissé aller, une fois au moins, à commettre ce délit-là ? Il y a un vers de Boileau là-dessus. Ce n’est pas d’hier. Voilà donc les quatre moutards en prison. Ils y étaient depuis dix jours. Enfin hier,grâce, je crois, aux instances d'un avocat qui a fait sentir au juge d’instruction la disproportion de la faute et du châtiment, on les a relâchés. J’ai pu me procurer le nom de l’un d’entre eux. Il demeure, avec ses parents, rue Guisarde. La rue Guisarde, c’est une rue ignorée, une vieille rue qui se trouve entre la rue des Canettes et la rue Mabillon. On pénètre dans les maisons par des allées étroites et obscu res, au bout desquelles on découvre des esca liers tortueux, pleins d’encoignures. Je demande M. P... Il n’y a pas de M. P... Il y a une Mme P... remariée à un M. C... C'est elle, la mère du mangeur de pommes. Bile n’est pas là, son fils non plus. — Et M. C...? —Il est aUumeur de réverbères.Il fait sa tour née. Vous le trouverez dans les environs de la statue de Danton. De fait, je trouve M. C..., armé de sa hampe, au pied de U statue de Danton. Ah I monsieur, me dit-il, n’est-ce pas que c’est abominable de se montrer si sévère pour une gaminerie ? Un enfant qui est un peu lé ger, un peu répondeur si vous voulez, mais qui a un bon cœur et qui est honnête. Mais il faut que le brave homme fasse sa tournée. — Sans vous commander, reprend-il, trou vez-vous donc dans une demi-heure à la mai son. J‘y fus. Le logis est presque confortable, et il est tenu avec une propreté méticuleuse. On est tout étonné de trouver un intérieur si bourgeois dans ces maisons à l’extérieur si sale. L'allumeur me fait asseoir. Il me dit le chagrin de la mère. Puis il me...
À propos
Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».
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