Extrait du journal
Je conservais, comme une curiosité, un souvenir des temps d’autrefois, un dernier louis d’or superbe, tout neuf. Je ne le mettais pas au rang des souvenirs de farmille ou de jeunesse, mais tout de même, il marquait une date, — celle d’un âge dis paru où l’on avait un poulet pour trois francs et un journal de huit pages pour un sou. Mon idée était d’attendre quelques années et de faire monter mon louis en épingle de cravate. Le jour où un camarade m’aurait exhibé une épingle faite d’une pièce d’or du temps de Henri II, j’aurais montré la mienne avec orgueil en disant : « J’ai quelque chose qu’on voit encore moins souvent : un louis d’or frappé sous la présidence d’Armand Faîtières. » Puis, j’ai lu dans le Petit Parisien quel que chose qui m’a tiré les larmes des yeux. C’était relativement à la férocité des der niers Français possédant des pièces d’or et les refusant à M. Marsal qui en a besoin, bien que la guerre soit terminée, bien que nous soyons vainqueurs et bien que l’Alle magne ait dû déjà nous rembourser, — si elle ne l’a pas fait, qu’elle se dépêche, fr ies cinq milliards en or de 1870. * Je me refuse à croire qu’il soit possible à quiconque de régler un achat avec une pièce d’or. Celui qui agirait ainsi se ferait montrer au doigt par tous ses voisins, bons Français, qui n’ont pas hésité depuis long temps déjà à verser leur or. » Je courais déjà à la Banque pour y verser mon malheureux louis quand, poursuivant la lecture de l’article, je tombai sur cette ré flexion du reporter qui interviewait M. Mar sal : a —< Alors les pièces d’or dissimulées un peu partout en France ne seront plus — si j’ai bien compris — que des pièces de col lection, des pièces de musée ? « — Parfaitement ! d Ah! Mais pardon !... Je n’allais pas, dès lors, verser au Trésor une pièce de musée! Rien ne m’oblige à verser une pièce de mu sée à mon pays, tant qu’il n’est pas en dan ger, auquel cas, ce jour-là, certes, je don nerais jusqu’à ma chemise, et pour rien ! Une pièce de musée, ça se garde dans une vitrine ou ça se vend pour acheter du charbon et ne pas crever de froid. Une pièce de musée, c’est d’ailleurs sou mis à la taxe de luxe, et comment !... Je tiens donc mon dernier louis à la disposi tion de M. Marsal moyennant cent deux francs cinquante. Je me défais ainsi d’une collection artistique réduite à une unité rarissime, l’acheteur supportant, bien en tendu, la taxe de luxe qui frappe toutes les collections artistiques vendues à la galerie Petit. C’est une vraie trouvaille, avouez-le, que d’avoir appelé les louis d’or des « pièces de musée! » pour les faire verser plus vite... Jean Drault....
À propos
Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».
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