Extrait du journal

Les historiens nous ont dit quel préjudice énorme, quel affniblisscuicnt île forces vitales, causèrent à notre pays les grands mouvements d’émigration A l’étranger provoqués jadis par nos querelles religieuses ou par nos troubles politiques. l,o mouvement d'émigration à l’in térieur qui dépeuple peu A peu nos campagnes, menace d'avoir des consé quences plus désastreuses encore, si nous no trouvons un moyen quelcon que de l'enrayer. Pour désigner et caractériser cette ruée des ruraux vers les villes, les économistes ont trouvé un terme A la fois très pittoresque et très exact : ils appellent cela Yurlntmanic. C’est bien en effet une manie dan gereuse, une sorte de folie collective qui potutse nos jeunes paysans A dé serter leurs villages, A planter IA dans les champs paternels la charrue et la herse nourricières, pour venir dans les grands centres, non pas même tenter l'aventure, ce qui serait un in dice de tempérament, mais essayer d’obtenir un emploi qui leur permette de vivre A ne rien faire. La plupart de ces malheureux voient bientôt leur espoir déçu. Si nombreuses, en effet, que soient les places offertes par l'Etat et par les grandes administrations, il n’y en a pas assez pour cette multitude d’as pirants fonctionnaires. Le maigre pécule du paysan est Lion vite dépensé. 11 est tout heureux un matin, pour pouvoir manger, de retrouver dans la doublure do sa veste ou de son gilet la pièce de vingt francs que sa brave femme do mère y avait cousue on cachette. Cotte ressource suprême s’épuise elle-même rapidement et la Faim, mauvaise conseillère, ne tarde pas A visiter la mansarde où, la nuit, le jeune rural rêve au village lointain qu’il a si im prudemment quitté....