Extrait du journal

La pauvre Espagne traverse encore une crise pénible, et c’est en pleine période de réorganisation et de relèvement que la sur prend l’aventure marocaine. Si la situation est critique sur la ligne d’opérations, elle est plus grave encore à l’intérieur, et il y a là une leçon dont cha cun doit taire son profit. Par delà le détroit de Gibraltar, les 15,000 hommes du corps expéditionnaire doivent faire des prodiges de valeur pour se maintenir sur des positions assaillies par un ennemi qu’a fanatisé la prédication de la guerre sainte. La situation est assez grave pour qu’on ait décidé à Madrid de porter à -15.000 hommes l’effectif des trou pes engagées. De ces opérations de guerre, l'Espagne se tirera à son honneur : elle peut compter sur la belle vaillance de son armée ; mais la situation est plus dangereuse à l’inté rieur. L’opinion est manifestement hostile à la guerre, et cette hostilité se traduit par des manifestations, des grèves, des émeutes — voire des désertions — assez graves pour qu’on ait dû proclamer l’état de siège et exercer sur le télégraphe une sévère cen sure. L’Espagne va-t-elle, comme la Russie lors de la guerre de Mandchourie, se trou ver aux prises avec la révolution en même temps qu’avec l’ennemi de l’extérieur ? On peut trouver l’explication de cette im popularité de la guerre dans ce fait que la masse ne la comprend pas. Il a pu sembler, et nous avons émis cette opinion, que ce conflit était voulu par lo gouvernement espagnol dont il servait les desseins politiques. On peut encore se tirer d’une expédition engagée dans ces conditions : on ne pour rait plus faire une vraie guerre. Il n’y a plus de possibles que les guerres nationales, quel que soit le régime, que les guerres consenties par la nation. C’est la leçon que nous offrent les événe ments des dernières années, leçon qui per mettrait de caresser des rêves pacifistes, si l’opinion ne so formait par le télégraphe et la presse, et si l’un et l’autre n’étaient entre les mains des Juifs. Albert Monniot....