Extrait du journal

Depuis quelques mois les maraîchers des Halles ont pris l’habitude de remiser leurs ânes et leurs véhicules dans les petites rues des environs de la Bourse du commerce. Ce qui fait que, dès deux heures du matin, les locataires du quartier sont réveillés par un concert auprès duquel les plus tonitruants orchestres de la foire de Neuilly ne sont qu’un simple chant de fauvette. Aussi, en foule, ces braves gens sont venus se plaindre au commissaire du quartier. — Demain matin, fit ce magistrat, je réponds du silence sur ma tête. Pour une fois je peux dire que j’ai une idée dont on peut pas dire qu’elle n’est pas dans un sac. Dans un sac était le mot, car, le lendemain matin, une dizaine d’agents ayant chacun une dizaine de sacs sous le bras, se postèrent à l’angle des rues où les maraîchers venaient d’arrêter leurs voitures. Et quand le premier aliboron lança dans l’espace son premier cri d’allégresse, un sac épais comme une cuirasse, s’abattit sur sa tête. En vingt minutes, les cent et quelques ânes du marché furent encagoulés de cette façon. Mais hélas ! l’idée du commissaire manqua absolument son but. Furieux de se voir ainsi privés de la lumière du jour, les pauvres bêtes se mirent à pousser de véritables rugissements et, bientôt, à toutes les fenêtres, des gens en chemise, réveillés en sursaut, mêlèrent leurs imprécations indignées aux protestations violentes des ânes. Au bout d’une demi-heure, les locataires du rent, pour avoir la paix, descendre eux-mêmes dans la rue et enlever, malgré la police, la gênante coiffure imposée aux malheureux animaux. Et ceux-ci, pour les remercier, chantèrent leurs louanges... jusqu’à sept heures du ma tin. — R. V. «e. L’AFFAIRE AUBERT ET LES AVOCATS...