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La Libre Parole, 28 mai 1896

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La Libre Parole
28 mai 1896


Extrait du journal

Il n’v a pas qu’un méchant jeu de mots dans cette association d’idées involontaire, comme beaucoup d’au tres, dans ce choc d’un nom d’infime ministre et d’un nom de bataille mé morable : il y a aussi un noble sou venir, un contraste utile, une leçon opportune. On a dit que l’Histoire n'avait ja mais servi qu’aux historiens. C’est une exagération. Il ne serait pas malaisé de citer maints historiens à qui l’His toire ne fut bonne à rien. Mais il n’est pas d’hommes à qui elle paraisse plus ; inutile qu’aux hommes politiques, i Pourvu qu’ils soient dedans, cela leur j suffit;et ils croient n’ètreplus dehors, j dès qu'ils sont ministres. Convaincus que leurs fautes ne seront pas moins utiles aux médita tions de la postérité que leurs mérites, ils travaillent au bien ou au mal de leur pays avec la même indifférence. | Je ne connais pas de gens à s’en fier davantage à la Providence, que ces superbes athées. C’est une manière de dévotion. M. Cochery n’en a pas d’autre, mais il s’y distingue entre tous. Demandezlui pourquoi il n’est pas ministre des Affaires étrangères. Si vous croyez l’embarrasser, vous vous abusez sin gulièrement. Car il ne se sentirait pas j moins à l’aise au quai d’Orsay qu’au j I, ouvre. C’est un des symptômes de notre i décadence morale les plus effrayants, j que celui-là ; un de ceux qui laissent au cœur du patriote le plus froid mé pris de notre régime de politiciens; un de ceux qui révoltent le plus juste ment l’honnêteté et le bon sens pu blics. Qu’on vienne, demain, vous offrir la i direction de la défense nationale, à la Guerre, à la Marine, votre conscience de bon Français, sur laquelle n’a pas passé la pierre ponce du Parlement, repoussera avec effroi la seule pensée d’assumer sur vos étroites épaules une pareille charge. Eh ! bien, prenez n’importe quelle « espèce », comme on disait au dixhuitième siècle, n’importe quel «muffle », comme on dit à la tin du dixneuvième, dans la majorité de la Chambre ou du Sénat, un Lockroy ou un Jumel, un Barbey ou un tioissyd’Anglas, un Monis ou un Jullien, il ne s’étonnera que d’une chose, c’est qu'on ait songé à lui, pour cela, si tardivement. N’était-ce pas, depuis longtemps, son tour? Vous vous refusez sans doute à croire que votre ignorance et leur sa voir puissent être équitablement com parés. C’est invraisemblable, et c’est pourtant vrai, vous m’entendez bien : ils ne savent rien de plus que vous sur la flotte ou sur l’armée qu’ils se proposent de bouleverser de fond en comble. —Misérables! murmurez-vous entre vos dents. Ne vous gênez pas, allez ; et criez-le sur les toits, à la rue, aux champs, à la France ! Quant aux autres ministères, il sem ble si naturel à nos politiciens de les tirer à la courte paille, que M. Méline a pu, il y a un mois, sans provoquer l’apparence d’une surprise, annoncer, dans l'Officiel, la formation définitive de son ministère, en ajoutant qu’il ne restait plus qu’à répartir les porte feuilles entre les nouveaux ministres. C’est au moment de la distribution que chacun connaît sa compétence. M. de Falloux, dans son Louis XVI, observe judicieusement que les soixante prédécesseurs de l'infortunée victime ne pouvaient rien lui appren dre du sort qui lui était réservé, qu’il eut le malheur d’être le premier roi auquel l'Histoire présentait peu de conseils, et que son imprévoyance consista surtout « à n'avoir pas de viné ce qui dépassait la science et les prévisions de tout le monde ». On n’en saurait dire autant du parti égoïste et sectaire qui nous mène si allègre ment a une révolution vraisemblable ment plus féroce que l’autre. 11 ne se passe, pour ainsi dire, rien que le passé ne leur montre du doigt, rien qu’ils ne doivent pressentir. Et, à vrai dire, ils sont les premiers à se rendre compte qu’ils recommencent l’aventure manquée, il y a cent ans, qu'ils en sont revenus aux jours déci sifs où l’Assemblée des Notables, après avoir obtenu de Louis XVI le renvoi de M. de Galonné, entendait M. de Brien ne lui proposer les mêmes im pôts sur le ou les revenus, qu’elle avait déjà repoussés. Il leur semble, comme à tout le monde, qu’il n’y ait guère, entre les deux époques, qu'une différence de chiffres, souvent relevée . par Drumont, dans te déficit df 1787, *...

À propos

Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».

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