Extrait du journal
tous ceux qui l’approchent. Gambetta le chassa comme un Laquais ; Jules Ferry ne pouvait le voir même en effigie ; Grévy faisait brûler du sucre quand il l’avait reçu à l’Elysée. Ses compatriotes du Cher l’ont vomi, et s’il a trouvé dans Paris une circonscription pour le réélire, c’est parce qu’on n’a jamais pris la peine de déshabil ler le faux bonhomme, et de le mettre là tout nu, devant ses électeurs abusés. Ou se souvient du rôle honteux qu’il joua lors des scandales du Panama, et nous avons eu assez souvent l’occasion de lui rappeler ce méfait pour n’avoir pas besoin de revenir aujourd’hui sur ce chapitre. Mais il est un autre point sur lequel nous croyons bon d’insister. M. Henri Rochefort a pris hier dans Y Intransigeant la défense Je Brisson. Le brillant polémiste l’a fait avec sa fougue habituelle, et cet article paraissait au lendemain du jour où Rochefort s’était battu pour avoir attaqué les défenseurs de Dreyfus. Peut-être M. Rochefort eûtil agi prudemment en recherchant tout d’abord ce qu’à ce sujet pensait Brisson. Il eût été bon, en effet, de savoir quel jugement il porte sur Zola, et sur l’œu vre entreprise parle Syndicat de trahison. Des bruits fâcheux courent en effet à cette occasion. Nous ne les rapporterons pas tous, et nous nous contenterons, pour aujourd’hui, de poser cette question à M. Brisson : « Est-il vrai que vous ayez dit un jour » à un de vos amis : Regardez, d’un côté » toute la libre pensée, tous les esprits » libres défendent Dreyfus. De l’autre » côté, qui l’attaque? Tous les cléricaux, » tous les suppôts des jésuites ». Nous attendons la réponse de M. Brisson, et nous espérons que M. Henri Ro chefort se joindra à nous pour l’obtenir aussi prompte que catégorique. Ad. Papillaud. AU JOUR LE JOUR LA Ft-TE DES FLEURS J’avais pris mon parapluie. C’est une tradi tion. Quand ou va à la Fête des Fleurs, on prend son parapluie. D’après la légende, en effet, il y pleut toujours. Mais la légende a perdu de puis longtemps son fond de vérité. La Fête des Fleurs, l’année dernière, a été favorisée par un temps splendide. Et, cette année, elle l’a été par un temps plus splendide encore. Mais il faut bien le dire: il en est de la Fête des Fleurs, comme de toutes les fêtes qui re viennent périodiquement, comme de la Fête nationale, notamment ; à mesure qu’elle vieil lit, elle se vulgarise. A part les célébrités du théâtre ou du demi-monde, pour qui c’est, en quelque sorte, une nécessité de se faire voir, les gens chic — ceux que blaguent Gyp, et les autres — ne s’y montrent plus. La Fête des Fleurs est devenue à peu de chose près ce qu’est le vernissage : un rendez-vous d’actri ces, de cocottes, de modèles, de couturières, et surtout d’Anglais. Ah ! ces Anglais ! Ils tiennent une place I Parmi les piétons d’abord : ils défilent, flan qués de leurs longues compagnes, parlant très haut, faisant retourner tout le monde sur leur passage. Parmi les équipages ensuite: ils s’exhibent dans d’immenses mcdl-coach, qui dominent les autres voitures, comme des cui rassés parmi une flottille de yachts de plai sance. A eux seuls — qu’ils soient à pied ou en véhicule — ces Anglais encombrants suffi sent à enlever le cachet d’élcgance, le grain de poésie, que, malgré tout, une fête française, si démodée qu’elle devienne, ne saurait per dre, du moment qu’on y voit des femmes et des fleurs ! Ce qui faisait jadis l’originalité de la Fête des Fleurs, c’était l’émulation de coquetterie qui émoustillait les propriétaires d’équipages. C’était à qui ornerait son landau ou son huitressorts avec le plus de grâce et avec le plus d’imprévu. Ce bel enthousiasme s’est éteint. On se contente maintenant d’emmagasiner dans la capote de sa calèche ou soûs les ban quettes de son break des botlclées d’œillets, de pivoines, de bleuets ou de marguerites. Rares, très rares, sont les voitures pour les quelles on fasse quelques frais d'ornementa tion. Celles-ci y ont d’ailleurs gagné hier d’être remarquées davantage. Une d'elles surtout a fait sensation. Elle supportait une sorte de ruche de paille dorée, sur laquelle avaient été piqués des coquelicots et des pâquerettes. Sous l’abri de cette ruche fleurie, de jolies abeilles flirtaient avec de gais frelons. On ne voyait que les têtes I En somme, le spectacle de cette coulée lente de victorias n’avait rien de bien particulière ment récréatif. C’était le défilé ordinaire des Acacias. Aucun entrain ne l’animait. On aurait dit que chacun était bien décidé à remporter les fleurs qu’il avait apportées. De -ci, de-là, d’une main molle, on s’envoyait un petit bou quet. Quelquefois le geste était gracieux, et il était souligné d’un aimable sourire. L’aimable sourire s’adressait en général à des officiers à clievai. Eux seuls apportaient un peu de vivacité et d’ardeur dans la ba taille. C’était bien le moins qu’on leur en fût reconnaissant. Il est sept heures. En voici cinq que la fête dure. Il n’y a eu aucun incident. Du pavillon où je me suis assis pour rédiger ces notes, je vois se disperser lentement la foule. Un par fum de frais jardin flotte dans l’air. De va gues musiques se font entendre. Une brise agite les feuilles des arbres. Il semble qu’on devrait, dans ce décor, n’a voir que des pensées douces. Mais non. Au tour des équipages qui, un à un, quittent le Bois, des nuées d’enfants, de femmes, d’hom mes poudreux, -ourent, en sueur. La misère est sur leur visage. Ils voudraient vendre les bouquets qu’ils ont achetés le matin aux Halles, et qui vont leur rester pour compte. Mais les équipages passent. Aucun ne s'arrête. Les pauvres s’en vont avec leurs bouquets. Ils ont des bouquets. Ils n’ont peut-être pas de pain. Tous les ans, au surplus, c’est arec une im pression de tristesse que Je reviens de cette fête qui devrait être la joie des yeux. Et cette impression je sais qu’elle est partagée par beaucoup. Est-ce que chacun, d’instinct, fans bien...
À propos
Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».
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