Extrait du journal
L’ECLIPSE On en attendait deux, celle du soleil et celle du ministère. On n'en a constaté qu’une : celle du soleil. Tant pis! Entre trois et cinq heures les boulevards ont offert un spectacle curieux : tous les pas sants avaient le nez en l’air. Ils observaient le phénomène 1 Les uns l'observaient avec un instrument tout à fait rudimentaire, et à la portée de toutes les bourses : ils avaient percé leur carte de visita ou un coin de leur journal, et ils regardaient par le petit trou ! Les autres, moins simplistes, avaient acheté des lorgnons noirs. D’autres encore s'ôtaient munis de verres fumés. D’autres enfin, plus malins, s'approchaient de certaines vitrines dont les glaces opaques leur permettaient sans danger pour leur vue, de contempler le reflet atténué de l’astre du jour luttant contre celui de la nuit. Dc-ci, de-là, des scènes qui ne manquaient point de pittoresque. A la terrasse des cafés, des consommateurs étaient montés sur des chaises, voire sur des tables — persuadés sans doute qu’ils dimi nuaient ainsi d’une façon sensible la distance de la terre au soleil ! Quelques-uns semblaient même si sûrs de ce résultat qu’ils renseignaient tout haut sur la marche du phénomène les curieux amas sés sur le trottoir, et trop pauvres peut-être pour s’offrir, au prix d’une consommation, le luxe d’un piédestal. — . Le soleil, ai-je entendu dire par l’un de ces informateurs bénévoles, ressemble à une grande galette de beurre qne sucerait une bouche invisible. L’échancrure augmente in-, sensiblement... Ça a commencé par la gauche.. Le soleil semble souffrir de cette morsure et on dirait qu’il cherche à y échapper... il tourne sur lui-même... il est maintenant placé en dessous du disque de la lune • rendant que cela se passait, le jour baissait graduellement. Un peu après quatre heures, pendant quel ques minutes, on eût pu se croire au crépus cule. J’entendis un homme de peine s’écrier der rière moi : — Il va tomber des curés I Le brave homme croyait bonnement que ce qui assombrissait le temps c’était un orage imminent. II liva les yeux et reconnut son erreur. Le ciel, qui avait été comme voilé de brume jusqu'alors, était à ce moment net de tout nuage. Mais c’étaient là les impressions du publie. Quelles étaient celles des savants? Une visite à l'Observatoire s’imposait. On ne m’y a pas paru autrement enchanté de Monsieur le Soleil et de Madame la Lune. Tous les astronomes — j’entends ceux qui n’avaient pas profité du crédit de 18,000francs alloues par l'Etat, pour aller faire leurs obser vations à l’étranger — s’étaient mis, dès deux heures, en faction. Ils avaient braqué les équatoriaux. Celui de la tour de l'Est avait été confié à M. Callandreau, celui de la tour de l’Ouest à M. lioquet, deux autres à MM. Henri et Re nan. Quant au grand équatorial, celui dont l’ob jectif ne mesure pas moins de soixante centi mètres de diamètre, c’est le directeur de l’Observatoire lui-même, M. Maurice Lœvvy — aux grands Juifs les grandes lorgnettes — qui s’en était réservé la manœuvre. Or, tous ces messieurs, malgré leur bonne...
À propos
Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».
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