Extrait du journal

GEORGE ET EDGAR George Poë est-il un parent d’Edgar Poë? On le prétend. Il y a entre eux, en tous cas, de curieuses affinités. Seulement, Edgar étant romancier, ne faisait du macabre et du fantastique que sur le papier. George, lui, est médecin ; il veut faire du macabre et du fantastique dans la vie réelle ; c’est beaucoup plus grave. Edgar nous a montré des mortes se levant de leur tombe, dans de vieux châteaux, des décapités se promenant avec leur tête sous le bras, comme un melon qu’ils viennent d’a cheter au marché, des fous écoutant battre leur propre cœur qui actionne une horloge. Ses livres ont donné le cauchemar à des gé nérations entières et de formidables recettes au Grand-Guignol, qui les a découpés en dia logues horrifiants. George, Américain comme Edgar, ne parle rien moins que de réaliser les romans de son glorieux homonyme ou parent. Il prétend avoir ressuscité déjà des cada vres d’animaux, et être en état de s’exercer bientôt sur l’homme. 11 a inventé deux cylindres munis de deux tubes en caoutchouc reliés à la bouche et à la narine du sujet. Dans ces cylindres sont deux pistons qui marchent à la vitesse des mouvements respi ratoires d’une personne normalement consti tuée. Ces deux pistons envoient de l’oxygène dans les poumons et pompent les gaz pro duits par la combustion. Autrement dit, il fait respirer le mort mécaniquement. Et le mort, bon grc mal gré, doit finir par respirer pour de bon. Le professeur Poë affirme avoir ressuscité ainsi en six minutes un lapin qui avait été foudroyé par une injection de morphine, et un chien asphyxié depuis trois quarts d'heure à l’acétylène. Vous voyez d’ici l’importance mondiale de cette découverte. Ce professeur Poë est un médecin prodigieux. Et pourtant, vous iriez le trouver en lui disant: « Débarrassez-moi donc de mon rhume de cerveau ! » Il vous répondrait certainement: « Pour débarrasser un homme d’un rhume de cerveau, la science, depuis un siècle, n'a trouvé qu’un moyen, mais il est radical, in faillible, et d’une simplicité remarquable: il suffit d’attendre que ce rhume soit terminé. » Et c’est là toute la médecine moderne, sur tout celle qui vient d'Amérique: ressusciter un homme est un jeu d’enfant pour elle. Mais guérir un rhume de cerveau, c’est l’obstacle infranchissable auquel elle se bute comme ses devancières. Sur ce terrain pratique, elle en est restée à Hippocrate. — Jean Dr aulx....