Extrait du journal

On a souvent plaisanté les bons jurés. t A notre époque, où il semble que l’on ne croie plus à rien, ils croient à l’importance de leurs fonctions, à la majesté de lu justice humaine. Quand un Baffret quelconque, revêtu de sa robe rouge, debout et découvert, les adjure, au nom de la loi, de sc décider « suivant leur conscience et leur intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui appartiennent à des hommes probes et libres », ils croient que cela est arrivé, et ils reviennent, « la main placée sur leur cœur », pour rendre une sentence qui est, à leurs yeux, l’expression presque surnaturelle de la justice sociale. Un autre magistrat en robe rouge le leur dit et le leur redit à satiété : ils sont plus que des hommes, et, s’il était permis encore d’invoquer la divinité dans Ües débats judiciaires, ils croiraient volontiers qu’ils en sont l’émanation directe. | Ils ne sont pas là d’ailleurs pour leur plaisir. Ils sont arrachés pendant une quinzaine à leurs affaires et à leurs familles. S’ils ne venaient pas, ils seraient condamnés à une amende de cinq cents francs ; ils sont enfermés sous bonne garde dans la chambre de leurs délibérations. S’ils en sortaient, ils encourraient une seconde amende de cinq cents francs....