Extrait du journal
■ Moyennant la somme de treize francs, plus vingt-cinq* centimes pour le droit des pauvres, qui n en seront pas plus riches, je me suis .payé, pour mon Noël, une représentation de Primerose, la comédie qui triomphe actuellement au ThéâtreFrançais. Treize francs vingt-cinq un fauteuil de balcon, lest cher, mais je ne les regrette pas. La pièce de MM. Caillavet et de Fiers, où Mlle Leconte s’est révélée comme la première de nos comédiennes, nous •repose, en effet, des oeuvres ténébreuses et funèbres dont des auauteurs, qui travaillent dans le sinistre, nous abreuvent depuis déjà plusieurs années. On trouve dans Primerose l’ingéniosité et l’esprit qu’on pouvait croire désormais bannis de la scène. Comme il était -beaucoup plus aise d introduire, au milieu d'une scène, une cartouche vide dans une arme à feu, que d'inventer des mots humoristiques et des dénouements à effet, la plupart des auteurs d’aujourd'hui ont tourné la difficulté en terminant leurs pièces par un coup de revolver. Dans la Femme nue, coup de revolver ; dans la Vierge folle, coup de revolver: dans la Rafale, coup de revolver; .dans Israël, coup de revolver ; dans 'Après Moi, coup de revolver, qui. cette fois, ne part pas. C est la fête des armuriers. A moins pourtant que, par économie, ce soit toujours le même revolver que les directeurs se passent à tour de rôle. Qui nous délivrera des Grecs et des Romains, disait-on jadis. On ne saurait trop encourager les écrivains dramatiques qui nous délivreront des pièces à revolver. On a assez de ses ennuis de la journée, sans aller entore s'attrister le soir à des enterrements. Mais il en est de cet art-là comme des autres. En musique, le compositeur qui met dans une partition autre chose que des ronflements de contrebasse, et qui se permet d'y introduire de la mélodie, est réputé vieux jeu. Rossini, Verdi, Donizetti sont complètement démodés. Hérold, il n’en faut plus. Bizet lui-même commence à branler dans le manche. Ce que demandent les novateurs, ce sont des rapsodies et des suites d’orchestre d’où le chant est à peu près complètement exclu, ce qui permettrait de donner un premier rôle d’opéra à un muet....
À propos
Fondé en 1841 par Auguste Lireux, La Patrie, journal quotidien, politique, commercial et littéraire est un quotidien d'information générale du Second Empire. Considéré comme un journal pro-impérial, il fut racheté par l'homme politique Théodore-Casimir Delamarre en 1844, aussi propriétaire de La Commune et L’Esprit Public, qui en fit un journal du soir.
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