Extrait du journal

Sur le boulevarl, on entendait les coups de fusil retentir de plus belle; les longs hurlements de dou leur des blessés, les cris sauvages des chefs qui ex citaient les soldats à la tuerie répondaient aux sinistres sifflements des balles et chantaient au loin le lugubre refrain des barricades et des émeutes. Je m’élançai dans cette direction; mon fils ne pouvait-il pas être au milieu du carnage? Mais le malheur voulut que je heurtasse du pied la petite boule blanche qui tranchait, immaculée, sur la boue noirâtre du trottoir où le l’avais lancée. Je voulus détourner les yeux et passer outre: mes pieds demeurèrent cloués au sol, une attraction plus forte que ma volonté me força à ramasser l’in famie qui gisait à terre. Je la relus. Un doute affreux entra en moi. Il y avait deux jours que mon ami était absent; Adèle le savait-elle? Je pris ma tête à deux mains. — Allons donc! m’écriai-je, soupçonner ma femme! quelle monstruosité! Mais tout aussitôt, malgré la protestation de mes lèvres, une douleur aiguë et intolérable entra en moi. En même temps, je me sentis pris d’un désir insensé de revoir ma femme, de la retrouver, de constater de mes propres yeux la fausseté de cette assertion monstrueuse. J’oubliai tout: mon tils menacé, ma justice, mon intelligence, ma raison, qui protestaient. Comme une bête fauve, je m’élançai, renversant tout sur mon passage; je n’avais plus qu’une idée : revenir...