Extrait du journal

Songez que cet homme avait dû consacrer plusieurs semaines, peut-être plusieurs mois de sa vie à mener à bien cette importante entreprise : conquérir 1*1 bonnes grâces ou tout au moins l’assentiment de MIU Z... au mariage, solliciter le consentement des pa rents d’icelle, faire toutes les démarches accomplir toutes les formalités préalables, discuter les clauses du contrat, se livrer pendant de longues soirées à un flirt éperdu, acheter les cadeaux de fiançailles, et se faire vêtir à neuf lui-même, en prévision de la solennité du grand jour 1 Et voilà que, ce grand jour venu, quand vient le moment de toucher le prix de scs peines et d’être indemnisé de ses débours, la demoiselle objet de »es avances et de ses soins se déclare en faillite conjugale et refuse de donner le moindre dividende à •on époux I Et la tête de celui-ci ? Comptez-vous pour rien la tête qu’il dut faire, ce malheureux M. X..., lorsque le lendemain, aux poseurs d«‘ questions indiscrètes, il dut faire l’aveu de sa déconvenue? On le plaignit sans doute, mai» on ne l’en estima pas davan tage. I.es gens sont toujours portés à croire, en semblable aventure, qu'un homme n’est pas aussi malheureux sans qu’il y ait un peu de sa faute. Sans doute, un tison est excusable de s’éteindre letsqv il se heurte à un glaçon, et pourtant le feu doit fondre la glace... il ne s’agit que d’avoir assez de feu. Et chacun de se dire, à propos de M. X... et de son aventure : «« Si j'avais été à sa place, le glaçon aurait fondu ! » Ainsi déconfit, humilié et raillé par-dessus le marché, M. X... ne voulut pas rester sans vengvanse. Il commença par demander le divorce, et n’eut pas grande peine à l’ob tenir, M8* Z... ayant renouvelé devant les juges sa ferme intention de s'en tenir au mariage blanc. Mais une fois le divorce ob tenu, il voulut pousser plus loin sa victoire, ou plutôt sa revanche, et il demanda carré ment au tribunal d'obliger son ex-épouse : i® A lui restituer les cadeaux qu’elle avait reçus de lui à l’occarion de leurs fian çailles, cadeaux faits en vue d’un mariage effectif et non d’un mariage platonicjue ; 2° A lui payer une somme de 5,000 fr., à titres de dommages-intérêts pour le grave préjudice matériel et moral quelle lui avait causé en lui imposant le rôle ridicule que vous savez. • Croyez-vous que le tribunal a eu la cruau té d<- repousser les prétentions pourtant si justes de ce pauvre homme ? Il a allégué, pour débouter M. X... de sa première demande, que « les cadeaux de fiançailles sont considérés comme des dons manuels irrévocables»; et quant aux dommages-intérvts réclamés, il a jugé que «le refus par la femme de remplir ses devoirs envers son mari n’a d’autre sanction que la rupture du mariage obtenue par le divorce ». Voilà les pauvres hommes bien lotis 1 Dans ccs conditions, le mariage devient pour eux un simple guet-apens, puisque toutes les avances pécuniaires et autres, tous les frais matériels et moraux qu’ils peu vent faire sont perdus sans rémission sur un simple caprice... de l’adversaire. Si l’on sc figure que de tels arrêts vont arrêter les progrès du célibat ! Enfin, puisque les épousées ne rendent pas les cadeaux lorsqu’elles ont refusé le service, une mesure de réciprocité me pa raît n< ccs; aire. Quand un épouscur, faute d appétit ou faute de dents, n'aura pu con sommer le mariage, j’admets qu’on pro nonce contre lui le divorce, mais je de mande qu’on ne l'oblige pas à rendre la dot. SIMPLICE....