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La Petite Gironde, 9 octobre 1882

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La Petite Gironde
9 octobre 1882


Extrait du journal

Ainsi que Vont annoncé nos dépêches* la ville de Lille célèbre aujourd'hui l’anniversaire de la levée du siège de 1792. Que nos lecteurs nous permettent de délaisser pour une fois la politique courante et de rappeler le souvenir de ce glorieux fait d’armes, resté célèbre dans nos fastes militaires, et qui mérite aussi une place à part dans nos annales civiques, car il montre comment nos grands aïeux de la Révolu tion savaient unir l'ardeur républicaine au patrio tisme le plus indomptable, avec quelle vaillance ils bravaient la coalition européenne formée pour res taurer la monarchie absolue, avec quelle religion ils défendaient cet honneur national dont les intransigents d'aujourd’hui font fi si volontiers. A la fin de septembre 1792, malgré la victoire de Vairay, la situation était critique, surtout dans le Nord. L’ennemi nous avait battu à Brui lie, il occu pait Saint-Amand et Orchies, et le duc Je Saxe-Teschen s’avançait en force sur Lille qui fut investi le 25 septembre. Mais les Lillois se souvenaient de la parple de Cambon, s’écriant, au moment où les sol dats de Brunswick passaient notre frontière ; « Il est temps que les propriétaires aillent eux-mêmes dé fendre leurs propriétés ; * ils se souvenaient que Vergniaud avait dit : « Il faut piocher la fosse de nos ennemis, ou chaque pas qu’ils font en avant pio che la nôtre. » Quand même l’Assemblée législative n’eût pas édicté des prescriptions terribles frappant de la peine de mort les commandants de place qui se rendraient avant qu’il y eût eu brèche et assaut et les habitants de toute ville assiégée qui parleraient de se rendre, les Lillois, résolus à sacrifier leur vie à la patrie en dan ger, eussent fait leur devoir. La garnison avait à sa tète le maréchal de camp Ruault, un soldat patriote. La garde nationale, disci plinée et aguerrie, était commandée par l’intrépide chef de légion Bryan. Enfin, le citoyen-maire André, la municipalité et la population tout entière ôtaient résolus à s’ensevelir sous les ruines de la cité plutôt que d’ouvrir les portes à l’ennemi. La ville de Lille fut investie le 25 septembre par le ;orps d’armée du duc de Saxe-Tesclicn, dans lequel était la sœur de l’ex-reine de France, l’archiduchesse Christine, avide de voir égorger des Français. Une première rencontre, qui eut lieu le 26, fût favorable aux assiégés. Le 23, un officier autrichien était venu sommer la ville de capituler. Le commandant Ruault lui lit cette fière réponse ; < La garnison que j’ai l’honneur de commander, et moi, sommes résolus de nous ensevelir sous les ruines de cette place, plutôt que de la rendre à nos ennemis; et les ci toyens, fidèles comme nous à leur serment de vivre libres ou de mourir, partagent nos sentiments et nous seconde ront de tous leurs efforts. » Le citoyen-maire André ajouta : « Nous venons de * renouveler notre serment d’être fidèles à la nation, » de maintenir la liberté et l’égalité, ou de mourir à » notre poste. Nous ne sommes pas des parjures. » Le bombardement commença le jour même. Une grêle de bombes et de boulets rougis au feu s’abattit sur la ville : 1 Le soir, dit un historien, les désastres étaient déjà énormes; des incendies violents s’étaient déclarés à l’église Saint-Etienne et dans plusieurs autres quartiers. Du reste, les Lillois supportaient avec un courage héroïque les hor reurs du siège, et ils finirent par s’accoutumer en quelque sorte au bombardement. » Des citoyens étaient désignés pour veiller sur les bom bes et les boulets, juger de leur direction et donner le si gnal convenu; dès qu’un boulet rouge était tombé sur un édifice, on s’y portait sans confusion; il était ramassé avec une casserole, jeté dans un des tonneaux remplis d’eau qu’on avait placés au seuil de chaque maison ; on criait : « Vive la nation t » et ou attendait un autre projectile. On vit des volontaires, des enfants même, courir après les...

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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