Extrait du journal

Elle tressaillit, regarda son père avec surprise et ne répondit rien. Ses yeux et ses lèvres étaient enflammés. La fièvre la dévorait. — Allons, viens, dit-il, ne reste pas là, à quoi bon? Elle lui obéit docilement. Elle était si faible qu’elle chancelait; il la portait pres que dans scs bras, par les terres labourées, par les sentiers. Et il lui parlait, il lui donnait de sages conseils, il lut faisait des reproches, crai gnant toutefois de l’effaroucher, devinant que cette pauvre âme vibrait, douloureuse, au plus léger effleurement. — Pourquoi es - tu découragée? Pour quoi t’abandonnes-tu ?... La première crise t’abat, sans révolte!... Je te croyais plus forte... Si tu avais été toujours heureuse, tu n’aurais jamais eu l’occasion de mon trer ta fermeté... ta virilité... Tu te laisses aller, tu m’étonnes, tu me fais de la peine... Certes, je comprends ta douleur... Ton or gueil froissé... mais surtout ton amour... tu fais une triste expérience de la vie, ma chère fille... mais il n’y a pas seulement que des journées maussades, tu reverras, sois-en sûre, le soleil qui rend gai... Je te l’ai dit, dans le temps : « Laisse passer les orages. Sois patiente. Mais prends garde aux rêves ! » Les paroles du père arrivaient bien jus qu’à son esprit, mais non point directement. Elles ôtaient comme assourdies par un voile épais qui ne les laissait traverser que pareilles à une sorte de bruissement indis tinct et confus. Gela ne troublait point sa tristesse, la berçait plutôt; elle n’en continuait pas moins de suivre une lointaine image — qui...