Extrait du journal
EDITION DU MATIN l’Emprunt et la Réaction Nous ne sommes pas de ceux qui aiment les ré clames tapageuses et qui exploitent les moindres incidents au profit de leurs intérêts politiques comme t'ont actuellement les orléanistes, à propos du ma riage d'une lille de leur prétendant avec le duc de Bragancc. Aussi nous sommes-nous bornés à en registrer sans commentaires le magnifique succès de l'emprunt souscrit lundi dernier. Nous n'y re viendrions pas, si les adversaires de la République avaient gardé la même réserve; mais ils montrent depuis lundi tant de colère et tant de dépit, ils font tant d’efforts pour attéuuer la portée de la manifes tation financière à laquelle nous venons d’assister, ils essaient si effrontément de dénaturer la vérité que nous considérons comme un devoir d'insister sur le témoignage de confiance accordé au gouververnement républicain non-seulement par la France, mais par l'Europe entière, et qui a si brutalement jeté bas l'argument cher à nos réactionnaires que, marchant vers la banqueroute et la ruine, nous ne jouissions plus d'aucun crédit dans le monde. Voici, en deux mots, le résultat de l’emprunt : le gouvernement républicain offrait environ 20 mil lions de rente; on lui en a demandé 402 millions. 11 réclamait un versement en espèces de 95 mil lions de francs: les souscripteurs ont versé dans ses caisses plus de 2 milliards de francs. Bref, la sous cription a couvert plus de vingt et une fois l’emprunt proposé ! Si l’Allemagne avait obtenu une pareille victoire financière, on aurait illuminé à Berlin et dans tou tes les villes de la Confédération. Chez nous, on est resté calme; il s’est même trouvé des gens pour soutenir que ce succès n’avait aucune importance, qu’il était un trompe-l’œil. Nous sommes cependant portés à croire, étant donnée la nature humaine, que nul n’est plus pru dent qu’un capitaliste. On peut, par entrainement, voter pour tel ou tel candidat; mais, en matière d’intérêts, il n’y a guère de place pour la passion. On ne prête son argent qu’à bon escient; on ne le livre qu’à ceux en qui l'on a confiance. En vain, dira t-on que le malaise de l’industrie et du com merce a rendu beaucoup de capitaux disponibles. Ces capitaux seraient restés improductifs dans des pieds de bas plutôt que d’aller chez les percepteurs, si leurs propriétaires avaient seulement soupçonné que les prétendus « gaspillages » républicains me naient le pays à la faillite. La vérité est qu’en temps de prospérité les souscripteurs eussent été plus nombreux encore. plus étrange encore est le journal monarchiste qui allirme que les capitaux versés au Trésor sont surtout des capitaux royalistes. Soit. Mais pourquoi les royalistes prêtent-ils à la République, sinon parce qu’ils croient à la hausse et qu’ils espèrent réaliser un bénéfice ? Or, croire à la hausse, c’est avoir la foi que l'administration républicaine saura assurer la sécurité du lendemain et qu’aucun ébran lement politique n’est à craindre, pas même l'éven tualité d’une restauration orléaniste ou bonapartiste. Si les royalistes étaient sincères en prédisant la chute de la République, ils auraient gardé leur argent pour le lendemain de cette chute. L’argu ment que nous signalons se retourne donc contre eux pour les confondre. Au surplus, personne, à l’étranger, ne s'est mépris Fur la portée de l’emprunt. La presse du dehors, même celle qui nous jalouse ou nous hait, convient...
À propos
Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.
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