Extrait du journal
Une de mes lectrices habitant Paris, mais Bordelaise de naissance, veut bien me morigéner tout doucement à propos de mes rancunes anti-allemandes et des ré pugnances instinctives que j’ai manifestées à établir des rapports personnels avec la patrie de Goethe, de Richard Wagner et de M. de Bismarck. Elle me prêche l’a paisement pour mon compte, et m’invite, ou du moins j’ai cru le comprendre, à re prendre, en tenant compte des bonnes rai sons des gens qui pensent autrement que moi, la discussion ouverte à ce sujet. Je n’en ferai rien pour deux raisons :1a pre mière, c’est qu’un tel sujet m’est pénible à traiter ; la deuxième, c’est qu’au moment où certains anti-allemands, plus échauffés que de raison, sc livrent à des manifesta tions déplacées et ridicules, je ne voudrais pas donner à croire que, partageant au fond quelques-uns des sentiments qu’ils affichent, je puisse approuver leurs pro cédés. Donc, une fois pour toutes, je ré péterai qu’en semblable matière je veux bien croire que tout le monde est de bonne foi, et que chacun pratique à sa façon le patriotisme. Ma manière personnelle, c’est la rancune et la réserve, et# je m’y tiens ; mais je ne prétends point empêcher les au tres de pratiquer la leur. L’essentiel, je le répète, c’est qu’au moment décisif, tous les sentiments se confondent, tous les bras se rapprochent pour une action commune. En attendant, parlons d’autre chose. *** Précisément, mon attention vient d’être attirée par un autre lecteur sur une ques tion qui ne nous divisera guère, et qui, surtout, ne soulèvera pas tant d’orages ni de querelles. Il s’agit du monument qu’un groupe d’élèves et d’admirateurs de l’ex cellent paysagiste Auguin veulent édifier à la mémoire de cet artiste, un des plus dis tingués dont puisse s’honorer notre région du Sud Ouest, et aussi notre ville, car Auguin, Cimentais de naissance, était de venu Bordelais par un long séjour parmi nous, autant que par le nombre d’artistes bordelais qui s’étaient formés à son école. Le correspondant dont je parle fait allusion à ce monument, et sa lettre, à ce propos, formule à la fois une réclamation et une interrogation que je reproduis volontiers, étant en mesure de réj>ondre à l’une et à l’autre de façon à le satisfaire : « En 1904, m’écrit ce lecteur, je pris, sur les renseignements donnés par la Petite Gironde, un bon de souscription pour le monument Auguin. Ce bon devait partici per à la répartition par le sort de tableaux, sculptures, objets d’art, etc. Chaque série de vingt bons était assurée du gain d’un ouvrage. D’après un autre renseignement, donné aussi par la Petite Gironde, le ti rage devait sc faire en mai 1905, le jour de 1’ouvertuic du monument. » Hélas ! j’attends toujours le tirage de ces bons... mais aussi, quelle naïveté de croire que pour" cent sous je pourrais pos séder un tableau d’un jeune maître 1 » Depuis lors, je suis sans renseignement sur cette affaire; le monument existe, mais il n’y a eu ni inauguration ni tirage. 'Peut-être, si vous vouliez vouv informer, seriez-vous plus heureux que moi. » Je me suis informé, et j’ai été plus heu reux que mon correspondant. Cela ne m’a pas été difficile. Il m’a suffi de soumettre sa lettre à M. F. Marot, conseiller général, président du Comité du monument Auguin, et au secrétaire général du Comité, le bon peintre Castaignet, pour obtenir tous les renseignements désirables. « Je m’empresse, m’écrit ce dernier, de vous fournir les renseignements qui vous permettront de tranquilliser le souscripteur inquiet, et en même temps tous ceux qui s’intéressent à notre œuvre. » L’inauguration avait, en effet, été fixée à mai 1905, et feu Guimberteau, le statuaire auteur du sujet choisi, allait se mettre à l’œuvre, lorsque la mort est venue le surprendre et jeter le désarroi dans le Comité. » » Guimberteau mort, qui exécuterait le monument ? Le serait-il d’après la maquette primée du défunt ? Devait-on en choisir une autre ? Fallait-il entreprendre un nouveau concours ? » Après d’interminables .discussions, il fut décidé que le projet Guimberteau serait...
À propos
Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.
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