Extrait du journal
d’autres qui ne reposent que sur un intérêt électoral, et qui marquent chez les pré tendus convertis plutôt un changement do tactiquequ’un changementd’opinion. Cette nécessité même de cacher son drapeau n’est-elle pas la preuve la plus décisive de l’impopularité des idées monarchiques, de leur discrédit devant l’opinion publique? Les élections municipales ont-elles donné aux royalistes quelques raisons d’espérer encore ? Malgré le petit nombre de muni cipalités appartenant aux conservateurs, ils ont plus perdu que gagné dans la der nière consultation du suffrage universel. Le plus souvent, leurs rares succès ont été déterminés par des causes locales, sans que la politique eût rien à y voir. Les royalistes comptent-ils comme un succès l’entrée de quelques-uns d’entre eux au Conseil municipal ue Bordeaux? N’y a-t-il pas là, au contraire, pour eux, une humiliation profonde? Ils ont dû con sentir à marcher à la remorque des radi caux et des socialistes. Acheter un si mai gre succès au prix de pareilles compro missions, est-ce bien pour un parti politique une manière d’affirmer sa vitalité? Les divisions qui ont éclaté dans le parti monarchique sont une preuve nouvelle de son impuissance. Il n’y a pas d ailleurs à s’étonner qu’un double courant se soit manifesté. Il s’explique par la différence des tempéraments. La jeunesse est tou jours impatiente et avide de mouvement. Les vétérans du parti ont pu avoir autre fois les mêmes ardeurs et les mêmes impa tiences : ils se sont agités, iis oui comploté pour préparer la restauration de la royauté, ils en ont prophétisé le retour prochain; mais les prédictions ne se sont point réalisées. Cette longue et inutile attente a été pour eux une admirable école de patience et de résignation. Un peu con fus de leur complicité dans l’équipée boulangiste, n’en ayant retiré aucun profit, n’en ayant rapporté que de la déconsidé ration, ils se rendent mieux compte de l’inutilité de l’effort. Les jeunes du parti ne peuvent se résigner à l’inaction. Ils sont à l'âge des illusions et caressent toutes les espérances. Ils croient qu’il faut tenir l’opinion en haleine et affirmer hautement leurs croyances pour les faire partager aux autres. Le prétendant, par la lettre qui vient d’être publiée, s’est hautement prononcé pour la fraction des jeunes et des entre prenants. Il faut voir avec quelle allure cavalière il donne leur congé aux vieux serviteurs trop fidèles aux traditions de leur parti. « Si vous croyez, dit-il, que la monar chie française s’est faite dans le passé et se peut refaire dans l’avenir par l’aflêctation d’une dignité inerte et toujours ex pectante, immobilisée sur de lointains rivages par la grandeur de ses traditions et se jugeant elle-même trop haute pour se mêler aux hommes et aux choses, nous ne serons pas du même avis. » Ce désaveu hautain et dédaigneux, in fligé à ceux qui ont consacré toute leur existence à la liéfensc de la cause royaliste, va sans doute produire une vive émotion parmi les rares partisansde la monarchie. Que de rancunes secrètes seront la consé quence de ces paroles du duc d’Orléans! Sans doute, on n’osera pas manifester au grand jour son mécontentement,mais il sera bien difficile de faire marcher d’accord les les deux fractions du parti, séparées dé sormais par des froissements d’amourpropre plus encore que par des divergen ces d'opinion ou des dissentiments sur les principes. Tout le bruit qui vient d'être ainsi pro voqué dans le Landerneau monarchique laissera à coup sûr l’opinion publique in différente. Le parti royaliste compte trop peu dans le pays pour que ces incidents y produisent la moindre émotion. Tout se réduit à une tempête dans un verre d'eau. En prétendant soucieux de plaire à tout le monde, le duc d’Orléans veut associer le droit monarchique au droit électif. Aux vieillards moroses qui ont défendu toute leur vie lui et les siens, il donne des conseils de bonne humeur. Il a même des vues sur la manière dont il conférera la Légion d'honneur. Tout cela est fort beau assurément, et plein d’alléchantes promesses. Mais au lieu d’étaler les divisions de son parti et d'indiquer ce qu’il fera quand il aura ren versé la République, le duc de la Gamelle...
À propos
Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.
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