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La Petite Gironde, 21 juillet 1890

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La Petite Gironde
21 juillet 1890


Extrait du journal

et de douleur d’avoir à s’adresser â la bonté de ses frères que dans nos sociétés chré tiennes. De plus, l'antiquité hospitalière, formée de petites cités, de petites commu nautés dont les membres se connaissaient entre eux, n’avait jamais songé à édicter les lois si dures que nous avons faites contre la mendicité et le vagabondage. Lorsqu'on y songe, ces lois sont tout à lait extraordi naires ! Forcer un homme à avoir un do micile ? Et s’il n’a pas d'argent pour le payer / Défendre à quelqu'un de mendier ? Mais s’il ne veut pas mourir de faim ? Les lois contre la misère ont l’air d’une abomi nable ironie. Elles sont absolument bar bares et comme la négation des principes que se vantent d’avoir nos sociétés chré tiennes et démocratiques. c.es lois ne pourraient être tenues pour équitables que si notre organisation de l'assistance publique était telle qu’un homme qui n’a pas de domicile et qu’un homme qui mendie pouvaient être con vaincus d’avoir refusé d’accepter un abri et une nourriture sufiisante en échange île ce qu'il peut fournir de travail. En ce cas, le mendiant errant peut être considéré comme étant dans son tort, comme consti tuant même un danger pour la société. Mais autrement, c’est inadmissible. Admet tez que cette misérable famille qui vient de se détruire n’ait pas eu la sombre énergie nécessaire pour accomplir cet acte de dé sespoir... Iriez-vous abandonner à la prison ces pauvres êtres, parce qu’ils ne peuvent gagner de quoi vivre ? Je sais bien que les mœurs tempèrent les lois. La charité est grande en France, et ceux qui se résolvent à y recourir, sont, le plus souvent, aidés et sauvés. Mais les lois sont terribles ! Voyez, par exemple, ce qui se passe, non plus pour tes gens qui ne trouvent pas do travail, mais pour les malades, qui sont incapables de travailler. Le nombre des asiles qui peu vent les recevoir est limité, et, dans les hôpitaux, on ne reçoit pas les incurables. Un malheureux phthisique trouvera un lit pour y mourir si sa mort est imminente. Mais si les médecins estiment qu'il en a en core pour deux ou trois mois à traîner son agonie, on ne peut pas l’admettre. Le rè glement est formel. Vue voulez-vous qu’il devienne? l/empereur Napoléon DI, qui était ce qu’on appelle un « rêveur » et qui a fait toutes sortes de rêves, les uns lions, les au très mauvais, avait écrit un livre sur VEx tinction du paupérisme... C’est une œuvre assez confuse, et quand Napoléon fut au pouvoir, il n’a guère fait que ce que les au tres gouvernements ont fait, c’est-à-dire de l’empirisme social. Mais le problème est. de ceux auxquels ou n’échappera pas. Nous mentirions par trop à notre prétention d’être la société la mieux organisée et la plus civilisée que le monde ait jamais connue, si les choses restaient en un tel état qu’on ne puisse offrir à un malheureux qui est sans abri et sans pain autre chose qu’une condamnation en police correction nelle ! La prison, que beaucoup de pauvres diables recherchent,quand ils sont par trop à bout de ressources, ne peut pas être le dernier mot de la justice sociale et. de la charité évangélique, il faut trouver autre chose. Et c'est quand on songe à cette « au tre chose », qu’on demeure stupéfait de la pauvreté de nos préoccupations de chaque jour quand elles se bornent à des querelles et à des luttes personnelles dans le domaine trop étroit de la politique... Parmi ce qui nous passionne, y a-t-il un fait dont l’im portance soit égele à celle de ce « fait di vers » : une famille se détruisant à Paris parce qu’elle va mourir de faim 1 Si,comme le pensait Weiss, c’est sur ces« faits divers» que l’avenir nous jugera, craignons qu’il...

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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