Extrait du journal

A la descente des grands escaliers de Saint-Lazare, Philippe se demanda s’il se ferait conduire chez lui, rue du Dragon, ou s’il n’irait pas demander à dîner à Clodion. Il avait besoin de se distraire. Il traversa la cour du Havre et remonta la rue d’Amsterdam pour jeter à la poste la lettre destinée à Urbain. Une mélancolie le prit à ce moment. Il souffrait sans savoir pourquoi, d’une souffrance vague, ina vouée. Et à la pensée que cette lettre allait rasséréner le cœur d’Urbain, alors qu’il devait lui, Philippe, demeurer seul meur tri, il sentait une angoisse l’étreindre à la gorge, une angoisse de solitude et d’aban don. Puis il se secoua dans une réaction vio lente et gourmanda sa lâcheté. Il ne se re connaissait plus lui-même. Après tout, pour quelle raison souffrait-il? De quoi se môlait-il? Et qu’est-ce que tout cela pouvait lui faire, à lui, étranger, indifférent? Le malheur qui avait menacé Urbain était dissipé comme un nuage; le marin allait retrouver sa sérénité perdue et sa con fiance entière. Est-ce que cela ne devait pas suffire k Philippe ?...