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La Petite Gironde, 27 mai 1907

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La Petite Gironde
27 mai 1907


Extrait du journal

Nos jeunes gens vont être contents. Ils pourront se marier, à vingt et un ans. sans le consentement de leurs père et mère. Telle est la réforme à laquelle lo Sénat consacrait une de ses dernières Béances, et qui deviendra définitive si la Chambre veut bien ratifier quelques points secondaires restés litigieux entre les deux Assemblées. Comme dix-neuf fois sur vingt la résis tance des parents n’a d’autre but que d’empêcher l’enfant de faire une sottise, le législateur avisé vient à son aide pour supprimer les obstacles et lui aplanir la route. Que voulez-vous ? le progrès l’exi ge. Progrès contestable, selon moi, qui veut qu’en cas de désaccord entre le père et le fils, ce soit le fils qui ait raison, le moins expérimenté qui ait le dernier mot. Pour décider le Sénat à voter le projet do lot, dont 11 suivait, d’ailleurs la dis cussion d'un air indifférent, on mi a dit que notre Code civil était trop vieux, et qu’il fallait le « moderniser ». Puis, pour nous émouvoir, le rapporteur, mon ami Catalogne, nous a conté qu’il avait reçu des lettres touchantes de jeunes couples attendant impatiemment l’adoption de la loi pour régulariser une liaison illégiti me. J’aime à croire que ce désir de con voler en justes noces n’était point aussi vif que l’affirmaient les pétitionnaires pour les besoins de leur cause, et qu’en tout cas la cohabitation leur permit d’a doucir les rigueurs et les chagrins de l'a termoiement. Nous aurons, paraît-il, du fait de cette loi, vingt mille naissances illégitimes de moins, vingt mille naissances légitimes de plus. Si ce recensement est sincère, il ne faudrait donc pas la regretter. Mais, est ce bien vrai qu’il y avait un Intérêt social à modifier les règles de no tre droit civil, et, au risque, on le recon naît, d’affaiblir les liens de famille, à abaisser, pour les hommes, de vingt-cinq à vingt et un ans l’âge légal pour con tracter mariage ? Le grand argument in voqué par les partisans de in loi, c’est la nécessité d’égaliser les sexes; et puisque la femme peut se marier à vingt et un ans, malgré l’opposition paternelle, on doit accorder le même droit à l’homme. Egaliser les sexes, c’est bientôt dit; on ne peut pourtant pas changer les lois natu relles, et si elles ne fournissaient ellesmêmes les raisons d’une différence admi se Jusqu’à ce jour, en législation, nous les trouverions dans les enseignements de nos savants professeurs : «< Pourquoi cette différence ? c’est que les filles sont plus tôt nubiles que les gar çons, et aussi qu’elles passent plus vite, et qu’il n’y a qu’un certain nombre d’an nées pendant lequel, d’ordinaire, elles trouvent à se marier facilement ; c’est que le fils, d’ailleurs, tient plus à la famille encore que la fille, puisqu’il en conserve et perpétue le nom ; c’est aussi peut-être qu’on n voulu favoriser davantage le ma riage des filles, dont l’avenir, en effet, dans le célibat est souvent fort triste, pri vées qu’elles sont d’un protecteur si né cessaire à leur faiblesse, et de tous ces moyens de travail par lesquels l’homme Ïieut assurer son existence et se suffire à ul-méine. Ajoutez enfin qu’on a beaucoup moins à craindre de la part des filles que de la part des fils un mariage contre le I;ré des parents, de la part des filles dont a pudeur naturelle et l’éducation plus surveillée garantissent bien mieux la sou mission et la retenue. » Cette doctrine, empruntée à Demolombe sous l’article 148 du Code civil, n’a pas besoin d’être commentée. Et, d’un autre côté, s’il est exact que pour les actes or dinaires l’homme est majeur à vingt et un ans, on s’explique que pour le maria ge le terme de cette majorité ait été re culé, « les mariages, disait-on, étant de toutes les actions de la vie celles des quelles dépend le bonheur ou le malheur de la vie entière des époux, et qui ont une plus grande influence sur le sort dos familles, sur les mœurs générales et sur l’ordre public. » Telles sont les considérations qui ont déterminé nos devanciers — tout aussi censés que nous, j’imagine — à ne pas uniformiser les sexes. Elles sont sérieuees. Car, enfin, on a beau vouloir changer le Code et le moderniser, il y a quelque chose qu’on ne change pas, et qui est de tous les temps : c’est la tendresse et l’af fection que nous avons pour nos enfants. Et qu'on ne me parle pas d abus de puis sance paternelle, de refus opposés dans un intérêt égoïste : ce sont des cas isolés »t des exceptions. Or, ce sont pour ces ex ceptions qu’on légifère, et c’est pour per mettre à de faux ménages de régulariser leur état civil — la loi actuelle leur en donnant le droit — qu’on causera le dé sespoir de nombreuses familles et qu’on augmentera le nombre des divorces. L’honorable rapporteur de la loi a, du reste, lui-même jugé cette œuvre lorsque, dans son discours, il s’écriait : «« Oui, il y aura des mariages navrants, oui, il sera douloureux pour des père et mère de voir leur enfant, à l’âge de vingt et un ans, se marier contre leur gré; oui, il leur sera pénible de lui voir contracter une union critiquable, et qui certainement arrivera parfois jusqu’au divorce... » Mais, pour effacer ce tableau, on prétend que les avantages de la réforme sont supérieurs à ses inconvénients. Voilà ce qu’on me fera difficilement admettre. Et si l’on ajoute qu’en amoindrissant les droits de la famille, c’est au profit des droits de la üociété, je réponds que les intérêts de la famille et ceux de la société sont solidai res, et que nous n’avons rien à gagner à ce qu’il y ait des unions éphémères, des ménages désunis, des époux qui divor cent, des enfants qui pleurent... Faut-il dire un mot des exemples tirés des législations étrangères ? 11 est vrai que dans des pays voisins, en Allemagne, an Belgique, en Angleterre, en Russie, la majorité pour le mariage est fixée à vingt et un ans. Mais ces diverses législations admettent des correctifs : en Allemagne,...

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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