Extrait du journal
Paris, 26 avril. L’émotion a été grande dans le quartier de la Goutte-d'Or, quand on y a appris que 1’ « Ogresse » Jeanne Weber faisait de nou veau parler d'elle. Il est intéressant de no ter que ceux et celles qui l’accusèrent lors de son retentissant procès triomphent, mais non sans exprimer l’avis que Jeanne Weber serait poussée au meurtre des enfants par une irrésistible force. On ne saurait encore se prononcer, il va sans dire, au sujet des nouvelles accusa tions portées sur Jeanne Weber. 11 convient d’attendre les résultats des investigations prescrites par la justice. Ce qui demeure acquis, c’est le calme avec lequel Jeanne Weber répète à Ch.Tteauroux ce qu’elle disait à Paris lors de son arrestation : — Je n'ai rien à me reprocher... Qu’aurait-elle à se reprocher, en effet, si une secrète et invincible puissance la pous se, la force à tuer d’innocentes créatures ? Il y a quelques semaines, à la fin de fé vrier, un homme d’une quarantaine d’annccs se précipitait au - devant d’une voiture de tramway à vapeur roulant à vive allure sur le boulevard de Clichy ; il se coucha en travers des rails. Un gardien de la paix le saisit par une jambe et l'arracha à la mort : * — Pourquoi vouliez-vous vous tuer? lui demanda le commissaire de police devant lequel il fut conduit. — Je suis hanté d’idées de meurtre, ré pondit-il. Tout à l’heure, une force terrible me poussait à assassiner, au hasard!... Je me suis vu sur le point de tuer le premier passant venu ; mais, heureusement, j’ai re trouvé assez d’empire sur moi-même pour comprendre que ce que j’avais de mieux à faire, c’était de me détruire mri-môme, car je suis un danger public. Voilà vraiment un cas très remarquable. L’infortuné qui révélait ainsi sa manie ho micide avait conservé dans sa détresse, dans le naufrage de sa conscience une lueur d’honnête et héroïque volonté. On l’emmena au dépôt de la préfecture de po lice pour le mettre ensuite en surveillance dans un asile d’aliénés. L’affaire de V « Ogresse » me remet aussi en mémoire celle de Papavoine, l’ancien employé de l’administration de la marine, qui, en 1825, assassina dans le bois t'e Vincennes deux petits enfants sous les yeux de leur mère. A la vue de ces enfants, qu’il ne connaissait pas, il se sentit envahi par un besoin insurmontable de leur percer le cœur. Il alla acheter un couteau dans une boutique située à la lisière du bois, et re vint à Vendrait où les deux beaux enfants jouaient auprès de leur mère. D’une voix rauque, hésitante, il dit quelques mots sans suite ; puis se penchant vers l'un des en fants, il lui plongea son couteau dans le cœur. Et avant que la mère ait pu s’élancer et Earer un nouveau coup, Vautre enfant tomait à son tour, et l'assassin prenait la fuite. Ce drame eut un retentissement immense. La théorie de l’irresponsabilité n'avait pas encore fait son chemin. Papavoine comparut devant la cour d’as sises de la Seiue. Dans son interrogatoire, que contient Y Annuaire de Lesur, je relève ceci: « Comment aura s-je pu préméditer J as• sassiner deux malheureux enfants qui ne m’avaient fait aucun mal ? Je n'étais pas mailre de moi; j'agissais machinalement et contre ma saine volonté. » Plus loin, à une nouvelle question du président sur le mobile du crime, il répond : « Je n’avais aucun motif. J’étais arrivé ma lade à Paris ; la fatigue du voyage avait encore exaspéré mes idées. A Vincenncs, fai agi contre ma volonté. Aujourd’hui, je don nerais tout mon sang pour racheter les jours de ces enfants I » Et quand le président lui demanda s’il n’avait rien à dire sur l’application de la peine de mort prononcée contre lui, il se...
À propos
Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.
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