Extrait du journal
vous bien sûr, ô maître impétueux, mais avisé, que nous ayons intérêt à faire un éclat? » Et cest en vain que le panache blanc frémissait d’un vent de guerre et de colère, les sol dats lâchaient pied lamentablement. Pourtant, avant-hier, comme le jour baissait, Rochefort eut une lueur d’es poir : Congy acceptait de livrer ba taille! Oui, Congy lui-même. Mais à peine marqua-t-il son vigoureux des sein, il y eutun soulèvement général : Quelle imprudence! Quelle folie! On ferait bien voir au pamphlétaire véhé ment si c’est à lui de conduire les par lementaires. Et Congy dut promettre qu’il attendrait, qu’il verrait. Et qui lui conseillait-on de voir? Le ministre de la guerre lui-même. Congy irait l’attendre à son retour de Pau, et il le sommerait de s’expliquer. S’il ne s’ex pliquait pas, alors on le traînerait à la barre du Parlement. Ainsi, lundi soir, c’est par une retraite générale que s’achevait la journée.Rochefort, pareil à ces généraux chinois dont les soldats ne veulent pas se battre, et qui manifestent leur indignation par les mouvements dé sordonnés d’une houppe de cheveux où vibre le patriotisme le plus véhé ment, se retira exaspéré et grinçant du champ de bataille où nul n’avait combattu. Parvint-il ensuite à remon ter un peu Congy ? Mais Congy est comme les mauvaises montres : on a beau les remonter, elles ne marchent pas. On les écoute, on croit entendre le tic-tac de la marche : ce n’est que le bruit d’un ressort qui s’est décroché. Pourtant, hier, vers deux heures, la montre Congy, secouée sans doute par Rochefort, avait de nouveau son petit bruit, et les aiguilles en étaient me naçantes comme des lances. Oui, dé cidément, il allait interpeller. Mais quoi ! quel est ce silence consterné ? C’est le silence consterné des nationa listes. Et quel est ce bruit effaré? C’est le bruit effaré des progressistes : « C’est de la folie ; c’est aller à un désastre! Vous resterez seuls; nous ne vous suivrons pas! non, nous ne vous suivrons pas! » Et comme le silence consterné des nationalistes invitait la montre Congy à se taire, comme le bruit effaré des progressistes faisait un crime à la montre Congy de son petit bruit, la montre Congy prit le parti de s’arrêter; elle le prit d’autant mieux qu’elle n’avait jamais marché du tout, ni même songé à marcher ; elle apaisa le petit bruit de son ressort décroché; elle endormit ses aiguilles menaçantes comme des lances. . Et ce fut le si lence, ce fut la paix, ce fut l’immobi lité. Qui donc avait dit qu’en rouvrant l’Affaire nous allions déchaîner les tempêtes? Jamais le calme ne fut plus grand, et dans le boîtier natio naliste ne palpite même plus un tictac d’interpellation. JEAN JAURÈS....
À propos
La Petite République française – puis socialiste de 1898 à 1905 – fut une feuille républicaine à cinq centimes lancée en 1876 qui connut un succès relatif dans les premières années de la Troisième République. Satellite de La République française de Gambetta, les deux publications deviennent indépendantes en 1878 avant que la diffusion du journal ne s’amenuise à la mort de ce dernier en 1882.
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