Extrait du journal
Diclc May a raison de nous dire que les universités populaires n’ont pas tenu tout ce que s’en promettaient ceux qui s’y vouèrent dès la première heure. Mais Bouchor, de son côté, n’a pas tort de trouver que les choses vont aussi bien qu’elles peuvent aller, et qu’il n’y a de déception que pour ceux qui ont trop espéré. On aurait pensé, cependant, que Pa ris eût donné davantage. Tandis que les départements voient se créer chaque jour de nouvelles universités populaires, tandis que la banlieue en voit ouvrir trois cette année, et passe ainsi du chif fre de dix-neuf à vingt-deux, Paris tombe de vingt-quatre à dix-neuf. Pourquoi, à la réouverture d’octobre, ne restait-il plus à Paris que seize des vingt-quatre universités populaires qui avaient fonctionné au cours de l’année 1901-1902? Pourquoi trois nouvelles universités seulement sont-elles venues prendre la place des huit défaillantes ? Mais pourquoi la population ouvrière quitte-t-elle Paris pour se fixer dans la banlieue? On peut trouver là, je crois, une explication partielle du phénomène dont s’alarme Dick May. Or, dans sa pensée, comme dans la pensée de tous ceux qui ont collaboré avec notre amie à l’organisation des universités populaires, c’est précisé ment pour la classe ouvrière que les universités populaires sont faites. L’u niversité populaire a suivi la classe ou vrière. Si, un jour, Paris devait être absolument vide d’ouvriers, il n’y au rait peut-être plus, ce jour-là, une seule université populaire à Paris. Nous avions fait un beau rêve. Nous nous étions promis d’amener sur nos bancs tous les travailleurs qui veulent sérieusement s’émanciper. Et tous les travailleurs qui veulent sérieusement s’émanciper ne sont pas venus, parce que d’autres tâches qui conduisent également à l’émancipation, sollici taient leur activité. Pourtant, c’est parmi les militants déjà occupés aux œuvres diverses d’é mancipation, que les universités popu laires ont trouvé le noyau de leurs adhérents, fit ce noyau no les a pas quittées, ne les quittera pas, on peut en être certain. Mais c’est ici comme à la guerre : ce sont toujours les mêmes qui se font tuer. Tel militant va le lundi à son syndicat, le mardi à son groupe poli tique, le mercredi à sa coopérative, le jeudi à son université populaire. S’il veut consacrer une journée à sa fa mille, il ne lui reste que deux soirées, qui souvent sont prises par quelque délégation fédérale. Certes, pour celui-là, la journée de huit heures serait tout particulièrement bienvenue. Mais je le connais : la ré forme n’ajouterait pas une heure à son repos, et tout ce loisir profiterait à la propagande. Donc, pénétrons-nous bien de ceci : que c’est à l’éliteouvrière, et non à la masse, que doit s’adresser l’u ni vers i lé populaire. Ne nous troublons point, par conséquent, de ne pas voir nos universi tés populaires plus nombreuses et leurs salles pleines à craquer. Ce que l'élite ouvrière retiendra de bon ne lui profi tera pas à elle seule : c’est toujours pour la communauté que travaillent les meilleurs. Et il n’est rien d’aussi com muniste que le travail de la pensée. Aussi, pour que l’université popu laire donne vraiment ce qu’on doit attendre d’elle, elle fera bien, sans pré judice des œuvres déjà fondées et qui subsistent, d’aller chercher l’élite où elle est, c’est-à-dire dans le syndicat et la coopérative. Et de leur côté, le syn dicat et la coopérative seraient à la hauteur de leur tâche s’ils donnaient à l’université populaire un local, leur local, et des auditeurs, c’est-à-dire leurs adhérents. C’est même ainsi que la campagne universitaire pour la journée de huit heures prendrait tout son sens et toute sa force, et que la proposition de Dick May aurait chance d’aboutir à un heu reux résultat, c’est-à-dire à une action d’ensemble du prolétariat et des savants pour la réduction de la journée do travail. Car le syndicat et la coopérative, créant et inspirant des universités po pulaires, ne voudraient pas qu’elles fussent des doublures des cours du soir, ni des parlottes à faire reluire l'érudition aimable des conférenciers à...
À propos
La Petite République française – puis socialiste de 1898 à 1905 – fut une feuille républicaine à cinq centimes lancée en 1876 qui connut un succès relatif dans les premières années de la Troisième République. Satellite de La République française de Gambetta, les deux publications deviennent indépendantes en 1878 avant que la diffusion du journal ne s’amenuise à la mort de ce dernier en 1882.
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