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La Petite République, 13 février 1899

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La Petite République
13 février 1899


Extrait du journal

Une mère de famille vient de se tuer avec ses deux enfants. Elle avait connu, jadis, des temps heureux, comme en peu vent connaître les travailleurs.C’est-à-dire que son gain d’ouvrière habite et coura geuse, ajouté au salaire du mari, permet tait au ménage de mettre un peu de vin dans son eau et de pitance sur son pain. Les voisins admiraient, raconte le faitdivers, sa propreté. Elle était de cette race de fées parisiennes qui possèdent le secret d’embellir ce qu’elles touchent de leurs doigts intelligents, qui, à force de créer le luxe pour les riches, en gardent sur elles le reflet. C’était trop beau. Le mari fut pris, en travaillant, d’un mal qui ne pardonne Îias. Il traîna quelques mois, juste le emps d’épuiser les économies et le cré dit. Puis il mourut. La veuve se remit à l’ouvrage. Elle vécut et fit vivre de son métier ses deux enfants. On s’émerveillait, dans le voisi nage, de la voir faire tant avec si peu. Elle opérait ce miracle de garder un an la même robe, toujours aussi propre, pres que aussi neuve. A force d’attentions, elle avait rendu ses petits aussi soigneux qu’elle. Le destin lui en voulut de résister ai nsi à son hostilité. Elle perdit son métier. Je veux dire que le chômage vint. Alors elle fit des ménages, des courses. Mais ce travail de sans-métier lui manqua à son tour. Restaient la mendicité,l’Assistance pu blique. C’est-à-dire l’humilialion, la honte, en échange de quelques croûtes. Elle portait le coeur trop haut pour se résigner à ce dernier coup.Rien ne l’avait rebutée, ni la fatigue, ni les privations, ni le chagrin. Pourvu qu’elle ne dût sa vie qu'à son travail, elle acceptait de vivre. Mais la demander aux passants, glisser la main en coquille par le guichet de l’Assistance publique, c’était au-dessus de ses forces. Elle a demandé à la mort — la seule consolatrice des affligés dans le monde capitaliste — le salut de sa di gnité. Va au champ de repos, pure héroïne du travail, douce héroïne dont chaque jour fut marqué par une victoire sur cette ennemie plus puissante que toutes les armées, plus meurtrière que tous les en gins de guerre, assiégeant inlassable et toujours a l’assaut : la misère f Sublime combattante qui n’eus besoin ni de galons, ni de croix, ni de panaches, ni de tintamarres glorieux pour soutenir ton courage, repose-toi. Dors, citoyenne, sous cette terre où dorment déjà tant de martyrs prolétaires, terre accueillante à ceux de ta classe,seu lement lorsqu’ils sont morts. Le soleil, pressé de nous rendre la joie du printemps, avance son retour. La lu mière éclate dans le firmament bleu. L’air est doux ; la vie sourit et appelle les fleurs qui vont renaître. Ah 1 pauvres ouvrières, fiancées au sui cide, cette joie, ce bonheur, ces rayons amis, sont pour vous. Aidez-nous à faire qu’ils soient à vous. Concourrez à la Ré volution Sociale ! GÉRA CJLT-RICH ARD....

À propos

La Petite République française – puis socialiste de 1898 à 1905 – fut une feuille républicaine à cinq centimes lancée en 1876 qui connut un succès relatif dans les premières années de la Troisième République. Satellite de La République française de Gambetta, les deux publications deviennent indépendantes en 1878 avant que la diffusion du journal ne s’amenuise à la mort de ce dernier en 1882.

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