Extrait du journal
Cetlo journée du 12 décembre s’est vpassée sans incident. A part sont mises quelques manifestations nationalistes, 'qui par ce soleil attardé avaient amené, en quête d’une distraction, quelques çurieux. A part aussi les incidents de la Chambre où une colère factice, essouüiéc de sa première violence, a caractérisé l’attitude des ordinaires cnergumènes. Et cependant cette jour née, pacifique et radieuse, mérite mieux qu’une mention rapide et demain effacée. Qu’on ne l’oublie pas ! C’est lo 12 décembre que-devait se réunir pour juger Picquart le Conseil de guerre. Chaque jour l’heure s’approchait du procès tragique où la lourdeur des pom meaux d’épée mis du même côté s’ap prêtait à faire trébucher contre le droit les légendaires balances. A mesure, l’indignation publique montait. Des in différents qui, d’abord, avaient refusé de croire, voyaient, et du leur nombre à eux s’augmentait la foule en quête de justice. En vain, cependant, des pro testations s’entassaient, où les noms inconnus côtoyaient les noms illustres. L’heure venait. En vain le Parlement •un moment secoué de sa torpeur avait été ému, puis était retombé dans la quiétude dos irresponsabilités. L’heure venait... Il a suffi d’une re quête de procédure présentée à l’heure opportune pour que l’orage n’éclatàt pas et que le procès fut retardé. En .droit et en fait, la justice civile reste saisie des dossiers. Le conseil de guerre ne s’est moine pas réuni et l’heure de ,sa convocation n’est pas fixée. En fait et en droit, c’est la première fois, de puis bien des années, que non plus dans des phrases humiliées, mais dans un acte viril et souverain, la supréma tie demeure au pouvoir civil... Que l’on compte ce jour! Beaucoup ont déses péré de le voir se lever! Un regret cependant peut venir. Après tout, c’est à la requête du prisonnier que la Cour a répondu, et si, par un arrêt souverain, elle a fermé le conseil 'de guerre, elle n’a, agissant ainsi, que donné gain de cause à un droit indivi duel. Or, ce n’était pas par le triomphe d’un droit individuel que se devait trancher le problème ! C’est le gouver nement qui, ayant la puissance d'agir, aurait dû. par une décision tranquille et forte, faire surseoir. Au lieu de cela, il s’est évadé dans l’ordinaire diversion do la séparation des pouvoirs... Mais il importe peu. Si c’est à la requête du seul intéressé que la Cour a répondu, d’abord, cela montre la force, quand elle est affirmée, du droit de chacun. Et puis, il ne faut pas oublier que peut-être le murmure grossissant de la loulo a singulièrement encouragé les efforts d’un seul. Au fait, il est facile, si Von s’arrête un moment dans le déroulement des faits, du juger mieux la dérisoire et cependant inlassable opposition qui fut laite jusqu’ici à ceux qui ont réclamé justice. Vous souvient-il des prédic tions sinistres ? Si l’on touchait à un coin du dossier la guerre allait surgir... On a touché au dossier tout entier, on l’a exhumé, disséqué, discuté, jeté aux vents d’une audience publique, et la tranquillité nationale est demeurée, trou blée par d’autres causes. Ah ! c’est qu’on n’avait pas mis la main sur le dossier secret, le seul, l’unique ! On l’a eu, ce dossier, on l’examine et qu’y a-t-il de changé dans Je monde ? De même, il y a un mois, la grande question se posait de savoir si la défense aurait le droit d’inspecter ce dossier. Jamais ! s’écriaient avec horreur ceux de l’Etat-Major ! On ne peut pas livrer nos secrets Avez-vous remarqué qu’un beau jour tout a été fait, que le défenseur a lu les pièces, et que nul périt n'a surgi? Cela signifie que toutes ces craintes étaient factices et qu'il n’y a jamais de raison supérieure qui puisse faire celer la vérité, alors surtout que par elle, quelle qu’elle soit, lo calme doit et peut revivre dans les esprits et descendre dans les consciences. Seulement on en est arrivé à un point où il semble que le fait le plus normal devient monstrueux. Quelle singulière séance que celle d’hier! Paschal Grousset a lu des extraits de journaux, anodins par eux-mêmes, ;jui 11’ont soulevé aucune passion quand ils furent publiés, et dont le seul relieinent faisait la force. Aucun député, pris à part, n’aurait tressailli à cette lecture et beaucoup auraient approuvé. Mettez-les ensemble il n’y a plus, dans la débâcle des personnalités, que des éléments déchaînés. Même une communication de l’Agence Havas apparaissait, sur les lèvres sou riantes do l’orateur, comme un appel à l’émeute ! C’est tout de même étonnant. Nous venons à une époque où les mots de la langue ont perdu leur sens, où...
À propos
La Petite République française – puis socialiste de 1898 à 1905 – fut une feuille républicaine à cinq centimes lancée en 1876 qui connut un succès relatif dans les premières années de la Troisième République. Satellite de La République française de Gambetta, les deux publications deviennent indépendantes en 1878 avant que la diffusion du journal ne s’amenuise à la mort de ce dernier en 1882.
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