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La Petite République, 18 avril 1911

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La Petite République
18 avril 1911


Extrait du journal

CE QUI RESTE DE L’ANCIENNE FÊTE — Non, il n’est plus, mon vieux quar tier Latin ! chanta un jour cet excellent petit père Lepère, comme on l'appelait... Eh bien ! et la foire traditionnelle du Pain d'Epices, qu'elle est changée, elle aussi ! Allez voir à la place de la Nation et sur le cours de Vincennes, jusqu'aux fortifs, et dites si vous vous y reconnaissez pour peu que vous puissiez faire remonter vos souvenirs à une vingtaine d’années ! Vous rappelez-vous qu’à cette époque, dès l’entrée du vieux faubourg Antoine, il y avait là, comme deux statues équestres, deux gardes républicains à cheval, raides, immobiles, qui étaient les vivants indica teurs de la fête. Et sur la place, qu’on appelait encore alors, par habitude la « barrière du Trône », des théâtres, des palais fantas magoriques, des cirques, des panoramas, des chevaux de bois, — des vrais, des classiques, — avec les baraques rutilantes des marchands de pain d’épices de Dijon, les pâtissiers en plein vent qui sortaient leurs brioches du four au son de la cloche, et Delille, et Laroche, et le père Dubois le lutteur, que sais-je ? De ce temps-là, il ne reste plus que le cirque Corvi, cirque miniature, avec sa troupe de singes, de chiens et de poneys. Mais les chevaux de bois sont remplacés par des manèges de vaches, de cochons et autres animaux du même ordre ; même les manèges tournants du genre bicycliste n’existent plus, ou si peu. Des montagnes russes, des tobboggans, des « mal de mer » ; en place des jongleurs et presti digitateurs, des cinémas comme s’il en pleuvait, avec des façades à la lumière électrique se réfléchissant dans des glaces à facettes, d’un goût extraordinaire ! C'est « kolossal », il n’en faut pas douter. Et puis, au lieu des horreurs de l’Inquisition, un couvent espagnol sinistre à l'extrême, au lieu du « kilomètre de pur miel », des petits cochons portant d'avance le prénom do leur acheteur ; ici et là, des dompteurs de fauves et des lutteurs, — dompteurs d'hommes î — à qui l’on crie avec fureur : — J’ prends le marchand d’os ! A moi un gant ! Et à bas les comtois ! Mais de puis que la boxe triomphe, les fidèles de la lutte noble et classique sont bien clair semés !... Et pourtant, là-bas, aux roulements d’un tambour étique, une voix aigre crie à pleins poumons, en même temps qu’un espèce de maigre diable rouge et noir pré cipite dans une marmite un pauvre man nequin piteux : — Encore un de plus ! Il se disait monteur en bronze, c’était qu’un monteur de coups ! A la chaudière !... La morale ù la Foire au pain d’épices ! Allons, allions ! tout n’est pas mort !...

À propos

La Petite République française – puis socialiste de 1898 à 1905 – fut une feuille républicaine à cinq centimes lancée en 1876 qui connut un succès relatif dans les premières années de la Troisième République. Satellite de La République française de Gambetta, les deux publications deviennent indépendantes en 1878 avant que la diffusion du journal ne s’amenuise à la mort de ce dernier en 1882.

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