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La Petite République, 20 janvier 1903

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La Petite République
20 janvier 1903


Extrait du journal

La partialité du tribunal de com merce de Paris dans les litiges entre les patrons et ouvriers a soulevé à maintes reprises les protestations des organisations corporatives, et les lec teurs de la Petite République n’ont certainement pas oublié les griefs for mulés à ce sujet lors des dernières élections pour les conseils de prud’ hommes. Il est cependant nécessaire d’y insister, car l’heure est proche où les pouvoirs publics devront intervenir pour mettre tin par une disposition lé gislative à un scandale qui n’a que trop duré. Aux termes de la loi, les litiges en tre patrons et ouvriers doivent être portés devant les conseils de prud’hom mes, composés pour moitié d’ouvriers et de patrons élus par leurs pairs.Dans l’intention du législateur, cette juridic tion devait fonctionner le plus souvent possible comme intermédiaire de con ciliation ou comme tribunal arbitral. C’est tellement exact que chaque an née, le ministère du commerce décerne des récompenses aux conseils qui ont concilié le plus grand nombre de pro cès. Tels conseils peu importants, comme ceux de Laval et de Lodève, ont réussi à arranger toutes les affaires qui leur ont été soumises en 1002, et pour avoir terminé amiablement 09 0/0 des li tiges, Cette, qui est plus important, a obtenu une médaille d’or. Pendant ce temps. Paris — section du bâtiment— arrivait en dernière ligne, avec seule ment 20 0/0 de solutions transaction nelles, au lieu de 54 0/0, moyenne générale des 145 conseils qui ont fonctionné de 1807 à 1901. Or, il se trouve qu’à Paris la pensée du législateur est gravement mécon nue et ses intentions conciliatrices presque complètement paralysées par la pratique abusive du droit d’appel, soutenue et encouragée par la juris prudence du tribunal de commerce de la Seine, devant lequel sont portés en deuxième instance les affaires dont le montant dépasse la compétence des prud’hommes. Cette juridiction d’appel est mal choisie, et c’est par une inconcevable inconséquence que l’on envoie devant le tribunal uniquement patronal des procès entre employeurs et employés. On a pris la.précaution de faire figu rer dans les conseils de prud'hommes un nombre égal de patrons et d’ou vriers, mais cette précaution devient illusoire si le dernier mot appartient au tribunal de commerce. L’élection des juges a, comme toutes choses, ses avantages et ses inconvé nients. Elle peut être excellente — c’est d’ailleurs une question controversée — pour le règlement des conflits entre commerçants ; elle est déplorable dans le cas qui nous occupe. Il est clair que les magistrats consulaires ne peu vent trancher avec équité des litiges qui mettent en présence leurs man dants et leurs adversaires. Le juge consulaire est en effet le re présentant des seuls commerçants qui l’ont élu, et dont dépend sa réélection. Bien mieux, on dit même qu’il est presque uniquement, à Paris tout au moins, le représentant d’une certaine caste commerciale.— Demandez plutôt aux petits commerçants, régulièrement étrillés dans leurs procès et qui n’ont jamais réussi à faire élire un des leurs. Abstraction faite même de toutes ces considérations, le juge est un patron, assujeti à toutes les préventions de sa caste, .porté par une tendance toute naturelle, à réfréner ce qu’il considère comme « les exigences excessives des ouvriers », et à fortifier par un juge ment nouveau une jurisprudence dont il peut être amené à profiter lui-même. Est-il besoin d’ajouter qu’à part deux ou trois honorables exceptions, les membres du tribunal sont de parfaits réactionnaires ? En fait, le tribunal de commerce de la Seine semble faire tout ce qui dé pend de lui pour annihiler le conseil des prud’hommes et pour détourner les ouvriers d’y recourir. Un jugement rendu en première instance est en effet rarement définitif, quand il est en fa veur de remployé. Le patron n’a qu’à aller en appel. Ï1 peut être sûr que le tribunal de commerce lui réservera le meilleur accueil. Non seulement il ne risque rien et ne sera jamais condamné davantage, mais l’ouvrier a toutes chances d’entendre annuler le juge ment rendu â son profit et d’en sortir avec les frais. J’ai là sous les yeux un certain nombre de jugements parfaitement scandaleux, où l’on voit le même fait qualifié de manière différente, suivant qu’il est invoqué par un patron ou par un ouvrier. Un patron réclamet-il des dommages-intérêts pour perte d’outils?Le tribunal les accorde. Mais si, au contraire, le conseil des pru d’hommes condamne un patron à payer' à un ouvrier des outils égarés, je tribunal annule gp déuieioa ooflr...

À propos

La Petite République française – puis socialiste de 1898 à 1905 – fut une feuille républicaine à cinq centimes lancée en 1876 qui connut un succès relatif dans les premières années de la Troisième République. Satellite de La République française de Gambetta, les deux publications deviennent indépendantes en 1878 avant que la diffusion du journal ne s’amenuise à la mort de ce dernier en 1882.

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