Extrait du journal

La critique, musicale ou autre, a, de tout temps, constitué pour ceux qui s’y sont consacrés une rude et ingrate besogne; mais il semble qu’à notre époque, la tâche soit devenue plus difficile encore, et que le domaine de la musique, en particulier, ne soit plus ouvert qu’aux plumes souples et caressantes, tout exprès taillées pour épancher les ondes intarissables d'un lyrisme de commande. quant aux écrivains consciencieux qui, avant l’art de plaire, font passer la franchise et l’impartialité; qui ne se flattent point de contenter tout le monde et leur père, sachant bien la chose impossible; qui se croient tenus de dire à chacun son fait, sans se soucier d’avance des petites colères ni des grosses rancunes toujours prêtes à éclore et à fermenter dans l’ombre ; qui, enfin, n’hésitent en aucun cas à faire un légitime usage du fouet, bien que ce dernier ne soit point d’un rapport aussi avantageux que l’encensoir ; ces écrivains-là, les seuls qui comprennent dignement le rôle de la critique, doivent se résigner à ne récolter, au milieu des ronces et des épines dont leur route est semée, que l’ingratitude, la calomnie et l’injure....