Extrait du journal

GRIME PASSIONNEL Les crimes passionnels augmentent tout doucement clé fréquence. Tant qu'ils étaient, à l'état de faits isolés, le jury et même le peuple avaient des mots d'ex cuse. le public absolvait et le jury acquit tait. Mais,peu h peu, l'on s'est aperçu que le crime passionnel n'était pas toujours si intéressant et que, si l'on faisait montre de sévérité, le nombre des femmes tuées par des amants jaloux ou d'hommes as sassinés par cles maîtresses exigeantes diminuerait sans doute. Et le jury a condamné. Ce qu'il y a de beaucoup. plus signifi catif, c'est l'attitude de la foule dans le drame qui s'est déroulé récemment rue de Rivoli. L'époux, sans qu'une discussion justi fiât ce meurtre abominable, puisqu'il était décidé qu'il vivrait séparé de sa femme, tira, à bout portant, trois coups de revolver sur la malheureuse. Immédiatement, un rassemblement se forma et le meurtrier reçut une grêle de coups de canne et de coups de pied. La justice est sommaire, il faut en convenir, mais cet élan qui pousse l'inconnu, le passant, a prendre parti pour la victime étendue a terre et baignant dans son sang, ce mouvement de révolte instinctif est bien digne d'inspirer 'quelques ré flexions. D'ailleurs, il n'est rien .de plus ins tructif au monde que la lecture des faits divers. D'aucuns ont prétendu trouver là des scénarios extraordinaires pour ro mans-feuilletons. Bien mieux, l'on y dé couvre des tranches de vie où l'humanité tout entière se dévoile, compliquée en apparence seulement, si laicle, si triste et si banale au fond. Et la preuve, c'est la platitude de ces meurtriers devant la cour d'assises; ils n'ont môme pas le courage de conserver jusqu'au bout leur attitude; ils arguent d'un moment de folie, d'un afflux de sang qui leur est remonté au cerveau. Ils cherchent des excuses physiques, font ressortir, par leur avocat, une fièvre ty phoïde contractée dans leur jeunesse et qui ne put faire autrement, n'est-ce pas, que de laisser quelques traces. Et peu ou prou n'osent faire cet aveu èh face des douze bourgeois, pas toujours compréhensifs, mais souvent accessibles aux souffrances et aux faiblesses humai« nés : — Jé l'aimaiSyje l'ai tuée, voilà tout. Henri Duvernois»...