Extrait du journal

— Je l'embrasserai pour toi, dit-il, en affectant toujours de ne pas prendre son chagrin au sérieux ; mais moi, je suis sûr que je n'embrasserai qu'elle de ta part. Sois raisonnable : tu te consoleras facile ment de cette amourette-là. Je ne te donne pas trois mois pour que tu m'écrives que Saint-Pétersbourg est un pays charmant, où les femmes sont adorables ! Plus profondément humilié et blessé que M. d'Establene le pensait, son filsne répondit rien, mais le lendemain, quand il quitta Paris, ce fut non seulement le cœur aigri contre ce qu'il appelait avec quelque raison la cruauté paternelle, maisaussi,forcément, plus amoureux que jamais. Néanmoins, en arrivant à Saint-Péters bourg, il se garda d'y montrer un vi sage chagrin et de vivre à l'écart du monde élégant, où lui commandaient de se pro duire son âge, son nom et sa situation. Bien qu'il fût déjà en possession d'une quinzaine de mille livres de rente prove nant de l'héritage maternel, son père lui avait annoncé qu'il lui servirait une pension de la même somme, sans doute pour qu'il pût tenir un rang de nature à attirer sur lu les regards de la princesse qu'il rêvait com me belle-fille, et il advint alors que cet homme jeune, joli garçon, riche, livré à lui-même, et qui avait souffert par les pre miers battements de son cœur, se lança dans un milieu frivole où il espérait trou ver l'oubli. .....