Extrait du journal
A propos d'une préfaça. d'Alexandre Dumas. Les tours d'autrefois* —r HiSitprique de cette institution. Une suppression qui a été une faute et une erreur Nous venons de lire avec un très grand intérêt l'étrange préface de M. A; Dumas* fils, qui précède le livre de M. (3-ustave Rivet, .sur la récherche de la paternité. L'on a déjà fait remarquer les contra^ dictions renfermées dans cette préface qui conclut contre les propres conclusions de M. Rivet, et l'on s'est justement étonné que ce député se soit néan moins adressé à M. Dumas dont il savait les opi nions contraires aux sienn s. ' Bien des passages resteraient à relever dans cette préface, entre autres celui où l'académicien déclare que l'enfant seul lui parait intéressant dans la ques tion de la recherche de la paternité; Il oublie la mère, la malheureuse femme trahie et abandonnée qui, le plus souvent, supporte seule les charges de la maternité. ' Et cependant tout n'est pas à critiquer dans cette préface. Il est surtout un point, une proposition qui, pour être originale, n'en mérite pas moins d'être discutée. C'est le rétablissèment des tours. M". Dumas revient sur cette idée dans- une lettre publiée récemment par tin journal.-Cette idée nous paraît heureuse et nous Voulons nous y arrêter. Les tours et leur fonctionnement Il convient tout d'abord d'expliquer ce que c'était que ces Cours dont la suppression nous semble aussi une erreur et une faute. Les tours des hospices étaient des cylindres en bois, convexes d'un côté et concaves de l'autre, et qui tournaient sur eux-mêmes; avec, une grande facilité. La partie convexe du tour faisait face à la »ruej tandis que l'autre s'ouvrait dans l'intérieur d'un appartement. Auprès du tour et à l'extérieur, se trouvait placée une sonnette. La femme qui vou lait exposer un enfant nouveau-né agitait la son nette pour prévenir la personne do garde ; aussitôt le cylindre décrivait un demi-cercle, présentait au dehors son côté concave, recevait l'enfant, et puis, achevant son évolution, l'apportait dans l'intérieur de l'hospice. De cette manière, la femme qui expo sait l'enfant, n'était vue d'aucune personne de l'é tablissement. Le tour était aussi quelquefois formé, au moyen d'une petite- fenêtre, percée dans le, mur de l'hospice, garnie de deux portes, l'une extérieure, d'autre intérieure ; entre ces deux portes, dans l'épaisseur du mur, se trouvait un peiit berceau et, dès qu'une personne qui déposait un enfant ouvrait la porte extérieure, le mouvement même qu'elle lui donnait agitait =une sonnette dont le . bruit faisait, immédiatement venir une surveillante. ■ Dans chaque hospice, il devait y avoir un tour. Le nombre des tours avait atteint ainsi 259;: Ce fut alors que le nombre toujours croissant des enfants trouvés éveilla l'attenlion des économis tes. Cette facilité donnée aux mères de se débarras ser de leurs enfants fut considérée comme une cause de cet accroissement. Des enquêtes qui eurent lieu apprirent même que certaines mères exposaient leurs enfants dans les tours pour se les faire remettre ensuite avec le sa- . laire payé aux nourrices et que l'usage du tour don nait ainsi naissance à une spéculation immorale ef en même temps onéreuse pour les administrations hospitalières. Le nombre des touis fut, d'abord, diminué. Quel ques hommes éminents protestèrent. Parmi eux se trouvait Lamartine qui, en 1838; prononça un dis-' cours à ce sujet. Suivant lui, la suppression des ; tours constituait d'abord une illégalité ; ensuite elle conduisait inévitablement à l'infanticide. A cette dernière objection, l'administration de l'époque répondit par une statistique. D'après les chiffres, le nombre des infanticide, loin de s'être accru par suite de la suppression des tours, présen tait depuis une diminution sensible: Conformément aux vœux des conseils généraux, l'administration chercha donc d'abord à diminuer de jour en jour le nombre des tours. Elle commença à. exiger Ja surveillance des tours et à en rendre l'usage plus difficile. A Paris, en 1837, le tour était fermé pendant le jour, et les enfants n'étaient re çus qu'après l'accomplissement de certaines forma lités ; mais il restait ouvert pendant la nuit. Cette surveillance des tours les rendait inutiles ; car la mère qui voulait y déposer l'enfant, étant obligée de donner son nom, de faire connaître ses moyens d'existence, préférait l'exposer dans un lieu abandonné. C'est ainsi que, peu a peu, l'usage des tours tomba en désuétude. Il n'en existe plus un seul aujourd'hui. Revenons à l'ancien système Tel est l'historique de la question. Les arguments qu'on peut invoquer pour et contre le rétablisse ment des tours se devine d'après ce qui procède. Quant à nous, nous n'hésiterons pas à conclure en faveur do l'ancien système. Nous forons d'a bord observer' que la statistique signalée plus haut et d'après laquelle la suppression des tours au rait plutôt diminué le nombre des infanticides, s'est trouvée depuis lors démentie pas d'autres statis tiques et qu'aucune preuve ne saurait être déduite de ces contradictions. Mais ce qui est certain, ce qui ne peut être nié, car tous les chiffres sont d'accord sur ce point, c'est que le nombre des enfants abandonnés, laissés sans secours sur le pavé et morts par suite de ce délaissement, s'est accru dans une effrayante pro portion. . Aujourd'hui la fille-mère qui veut cacher sa faute, ou se trouve dans l'impossibilité absolue de nourrir son enfant, n'a d'autre ressource que de l'aban don ner. Pourquoi lui avoir enlevé les moyens de le confier à dus soins dévoués? Pourquoi lui refuser la possibilité do cacher sa honte en apportant, dans l'ombre et le mystère, la pauvre peiite créature qu'elle a mise au jour ? La suppression des tours est une prime donnée follement à l'infanticide et à l'avortement. On a édicté contre ces deux crimes des peines sévères. Rien n'y a fait. Lé mal a continué et s'est aggravé terriblement, et l'on a vu le jury lui-même, irrésistiblement êmu, prononcer en co cas des acquittements qui peuvent indigner les criminalistes, mais que les moralis te», plus humains, osent à peine blâmer.. Le rétablissement des tours sera, à coup sûr, une dépense de plus pour l'Assistance publique; mais ce sera un grand devoir social accompli et un in térêt national satisfait....
À propos
La Presse, fondé en 1836 par Émile de Girardin, fut l’un des premiers grands quotidiens populaires français.
En savoir plus Données de classification - ribot
- guillaume ii
- koch
- guil
- nicotera
- sogny
- gibert
- rivet
- fernand faure
- de backer
- paris
- berlin
- russie
- france
- dumas
- rouen
- bernay
- bordeaux
- kiel
- allemagne
- faculté de droit
- faculté de médecine
- congrès international de médecine
- assistance publique
- renault
- société des steeple-chases de france
- facultés de droit
- conseil général