Extrait du journal

» Tour mens inexprimables ! punition affreuse I » Désormais, je dois chercher toutes mes vertus dans le re pentir qui me dévore; il faut que je m'épure par le feu inex tinguible des incurables douleurs ; que je remonte à la dignité de mon être par le profond et cuisant regret de l'avoir souillé. » Quand viendra le moment où, par mes souffrances, j'au rai mérité le repos, la jeunesse aura fui... mais il est une aur tre vie, et, en passant le seuil de celle-là,.je revêtirai la robe d'une jeunesse immortelle ! » - Et remarquez qu'avant ce malheureux voyage d'Espagne, on ne désigna Alphonse Rabbe que sous le nom de l'Anti nous d'Aix. Une mélancolie incurable s'empara da lui à partir 'de ce moment. « Je me survis à moi-même ! » disait-il tristement en secouant sâ tête, dont il n'avait gardé intacts que les beaux cheveux. « Maudit soit l'inventeur des miroirs ! » A trente ans, il avait déjà-reculé deux fois contre deux ten tatives de suicide. Ses mains faiblirent; ls, poignard s'émoussa sur son cœur. Nous avons tous vu ce poignard, auquel Rabbe avait voué une espèce de culte, comme au dernier ami dont il attendit le service suprême. Ce poignard, il l'a immortalisé. Lisez ceci, et dites-moi si jamais style plus ferme est sorti d'une plume humaine : LE VIEUX POIGNARD. « Sorti du tombeau d'un guerrier dont la destinée nous est inconnue, tu étais seul et sans voisin de ton espèce, suspendu aux: murs de la chétive retraite d'un brocanteur de tableaux, lorsque ta forme et ton aspect vinrent frapper mes yeux.. » Je.pressentis la trempe redoutable de ta lame, je devinai la férocité de ta pointe à travers l'enveloppe de rouille épaisse qui te couvrait de partout. Je me hâtai de traiter pour t'avoir en ma puissance ; le marchand vulgaire, qui ne voyait en toi qu'un vil morceau de fer, t'abandonna presque pour rien à mon jaloux empressement....