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La Presse, 14 mars 1841

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La Presse
14 mars 1841


Extrait du journal

Paris, 13 mars. Les- journaux anglais s'occupent beaucoup de l'affaire Mac-Leod. À les en croire, une guerre semble imminente. Le Times est même allé plus vite en besogne qu'aucun de ses confrères, car il a annoncé la guerre déjà déclarée. Du côté des États-Unis, les choses sont encore plus vivement poussées que du côté de l'Angleterre. On a lu le rap port de M. Pickens; on* sait en outre que l'état du Maine a présenté une demande formelle au gouvernement fédéral pour faire vider les territoires que les Anglais occupent sur la frontières du Maine et du Canada, et dont la propriété leur est contestée. Il y a d'ailleurs dans le caractère américain un fond d'audace impétueuse qui peut les entraîner loin en cette circonstance. A cela il faut ajouter que ces anciennes colonies de l'Angleterre ont toujours beaucoup moins sup porté de sa part que de toute autre nation. Il semble que les vieilles haines de religion qui ont présidé à la fondation de cette république de proscrits n'aient rien cédé à l'action du temps, et se soient seule ment transformées en rivalités maritimes et commerciales. C'est à propos d'un léger impôt sur lé thé qu'elles se sont révoltées contre la mère-patrie, et qu'elles lui jont fait une guerre acharnée. C'est par les succès obtenus sur elle, c'estpar le malqu'ilsonteu la gloire de lui faire, que les grands hommes des États-Unis vivent surtout dans la mémoire et dans l'admiration de ce peuple. Ce qui se passe en ce moment, à l'occasion de l'affaire Mac Leod, atteste que les sentimens publics en Amérique n'ont pas changé en se transformant/ Aussi, ne dou tons-nous pas, pour notre compte, que tout le bruit qui se fait de l'autre côté-de l'Atlantique, ne soit le retentissement d'hostilités très réelles et très décidées à pousser sérieusement les choses jusqu'au bout. Au point de vue spéculatif, les Etats-Unis peuvent avoir à redouter les résultats d'une collision avec l'Angleterre. En fait ils ne la crai gnent pas. Dans cette disposition d'esprit il entre sans doute beau coup d'orgueil national ; mais il s'y mêle aussi une appréciation fort juste des intérêts et des tendances de la plupart des nations euro péennes. Les Etats-Unis comprennent que la guerre, si elle éclatait, ne resterait pas longtemps circonscrite entre eux et l'Angleterre, et que l'Europe presque tout entière serait forcée un peu plus tôt, un peu plus tard, de descendre dans l'arène et de prendre part à la lutte. Il y a, en effet, une immense question qui surgirait im manquablement de cette guerre toute maritime : c'est celle de Lv liberté des neutres. La France, principalement, ne pourrait tolérer que l'Angleterre .s'arrogeât ce droit, qu'elle n'a jamais voulu abandonner, d'attenter à la nationalité des pavillons par 1 inquisition de ses croisières. La France ne pourrait pas le tolé rer par deux raisons invincibles : d'abord, c'est qu'elle a pris la glo rieuse initiative de l'affranchissement des mers ; c'est qu'elle a donné à toutes les marines opprimées le. signal de la lutte contre l'insolente : suprématie que l'Angleterre prétend exercer ; c'est qu'il est impos sible qu'après avoir reproché aux Etats-Unis la mollesse de leur ré sistance à cette tyrannie^- durant le blocus continental, la France, grande et puissante nation qui n'a pas l'excuse de la faiblesse, vienne subir elle-même cette tyrannie. Voilà une raison d'honneur. 11 y a en outre une raison d'intérêt, et celle-là n'est pas moins impérieuse. En ças de guerre entre les deux pays, la France serait le neutre le plus important, celui qui .aurait le plus à souffrir de l'application de ce principe anglais flétri à si juste titre par Napoléon dans les .décrets de Berlin et de Milan. Notre commerce avec les Etats-Unis est très considérable. Nulle part nos importations n'ontjjris,une extension aussi grande. S'il plaisait à l'Angleterre de déclarer, par un ordre du .conseil, les 1,600 lieues de côtes de l'Union -en état de blocus, estce que nous pourrions nous voir ainsi fermer les ports américains par cette fiction du plus exorbitant despotisme? Non. Ni notre digni' té, ni nos intérêts ne permettraient pareille tolérance. Il n'y aurait pournousqu'un rôle à jouer, celui de l'agression; et dans cette agression nous entraînerions bien vite.toutes les puissances maritimes du mon de, car notre»'cause serait également la leur. Les Etats-Unis ont le sentiment de cette situation. Ils savent que...

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La Presse, fondé en 1836 par Émile de Girardin, fut l’un des premiers grands quotidiens populaires français.

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