Extrait du journal
Nos adversaires se donnent un mal énorme pour essayer de démontrer aux électeurs pari siens qu'eux seuls ont droit au qualificatif de républicains, et qu'en conséquence tous ceux qui veulent conserver la République ont le devoir étroit de voter comme un seul homme pour le fabricant d'apéritifs de Plaisance. Eux seuls ont le brevet de cette industrie politique et leur brevet est contresigné par MM. Floquet, Ferry, Clemenceau, Joffrin et aussi par M. Jules Simon, tous républicains, comme chacun sait, mais tous partisans éga lement d'une République particulière qui est la leur, et non plus celle de tout le monde. Le brevet délivré par la rue Cadet est le seul bon, le seul efficace ; en dehors de lui, il n'y a plus Fien qu'une mauvaise . contrefaçon pour la quelle les électeurs soucieux de leur dignité ne peuvent montrer que le plus profond dé dain 1 Telle est bien la théorie soutenue par les coassociés du parlementarisme actuel ! Et le peuple, objecte-t-on à messieurs les parlementaires, qu'en faites-vous?—Le peuple, répondent-ils, c'est nous I Les privilèges dont nous jouissons, les bénéfices que nous pou vons réaliser, notre influence, notre petit com merce politico-financier, tout cela, c'est dans l'intérêt du peuple ! De quoi, ajoutent-ils si on les presse un peu, le peuple se plaint-il? Est-ce que nous nous plaignons, nous? Est-ce que nous ne sommes pas satisfaits de la situation qui nous est faite? On prétend que nous avons escamoté la souveraineté du suffrage universel? Mais que ferait le peuple de sa souveraineté, si on la lui rendait? C'est pour lui rendre service que nous avons assumé cette charge, c'est pour faire son bonheur et assurer sa prospérité, que nous avons conclu tacitement avec lui ce mariage de convenance et de haute raison ! En vain le peuple leur crie-t-il, sur tous les tons et sur tous les toits, qu'il voudrait bien faire son bonheur tout seul, et qu'il a moins besoin de conseils que de travail, de stabilité et de paix 1 Les politiciens qui s'échelonnent de M. Jules Simon à M. Joffrio, font la sourde oreille, et veulent imposer quand même leurs personnalités et leurs trop onéreux services I La République, on ne saurait trop le dire et le redire, est tout entière circonscrite dans quelques chapelles étroites, desquelles sont soigneusement exclus, au nom de la liberté, tous ceux qui se font de cette forme de gou vernement un' idéal généreux de liberté, de justice et de vérité. Peuvent-ils donc s'étonner alors, après tous les déboires, toutes les désillusions et aussi toutes les déceptions qui ont été jusqu'ici le lot unique des humbles et des déhérités de ce pays, qu'un immense mouvement de mécon tentement et de colère trop longtemps conte nue entraîne tant de vaillantes et bonnes vo lontés vers un avénir meilleur? Non, en vérité, après tant d'années de mi sère, et aussi d'espérances de jour en jour re mises au lendemain; le peuple a droit d'entrer en scène à son tour, et de reprendre enfin la libre possession de ce qui lui appartient. Le vote en faveur du général Boulanger — à défaut des déclarations nettement indiquées, d'ailleurs, dans le projet de revision de la Constitution déposé par lui à la Chambre, et dans les nombreuses professions de. foi qu'il a eu l'occasion de faire aux électeurs — a sur tout une signification bien nette. 11 affirmera le désir, de plus en plus formel, àu pays d'en finir avec les agitations stériles du régime actuel, et aussi sa volonté bien ex presse d'organiser définitivement, non plus la République des parlementaires, mais la Répu blique du peuple ! Les électeurs si sincèrement "républicains de la Seine, tous les bons patriotes, tous les bons citoyens qui forment la grande majorité de ses habitants, ne s'y tromperont pas un seul instant I Ils ont été à trop bonne école pour ignorer la valeur des promesses ou des accusations produites par nos adversaires ; ils savent ce que ces derniers ont fait, ce qu'ils font, et ce qu'ils feraient encore, s'ils conservaient le pouvoir I La situation est donc bien claire, et il n'est pas besoin de tant de circonlocutions et de détours, pour la définir d'un mot : — D'un pôté, M. Jacques et tous ceux qui veulent con server le parlementarisme actuel, avec ses défaillances et ses abus ; de l'autre, le général...
À propos
La Presse, fondé en 1836 par Émile de Girardin, fut l’un des premiers grands quotidiens populaires français.
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