Extrait du journal
On raconte qu'un amputé des deux jambes répondait à une bonne dame qui se lamentait sur aon fort : « Ne vous en faites pas, - bonne madame, avant deux ans nous ne serons plus que cles culsrdc-jatlc. » Hélas ! ce brave soldat se trompait seulement sur la date. Il y a longtemps qu'on ne s'intéresse plus" aux 'mutilés. Dans les bureaux, qui ont monté en gracie en même temps que M. Maginot, on les fait attendre pour rien. Ceux qui ont chaud et qui n'ont pas faim, parlent sans tendresse et sans politesse à ces pauvres êtres diminués dans leur corps. Des révoltés-, nos mutilés ?... Allons donc, vous ne les connaissez pas. Quand on les reçoit poliment et gentiment ils vous regardent étonnés et ils sont d'une reconnaissance vraiment - touchante et qu'ils ne nous doivent pas. J'estime que plus nous faisons pour eux, plus tou jours nous leur devons. Nous ne paie rons jamais notre dette. Première requête, traiter, fraternelle ment les mutilés et nè pas les renvoyer de bureau en bureau, de jour en mois et eri années. Il y a plus : comment liquidera-t-on les pensions 1 Je sais bien que ce n'est pas commode, mais avec le nombre d'employés et d'employées qui se sont infiltrés dans ces services, cela pourrait aller mieux et avec plus d'ordre. Voici un grand blessé de guerre, un aviateur de l'équipe des Cigognes. Il a droit à une pension. Comme il habite L'étranger, il profite de son -passage pour essaver de savoir où en sont ses affaires. Il va aux pensions. X..., attendez un peu. En effet, j'ai vu un dossier à ce corn, dit iin employé. Et tout doucement il va. à la ; recherche. Au bout d'une heure, il revient.Le dossier est retrouvé, mais il n'y a rien dedans. Où sont les pièces ? Mystère. Revenez, dit-on au blessé, on finira bien par retrouver quelque chose. Personne n'a le temps de passer des mois hors de son foyer,- surtout lors qu'on ne demeure pas en France. Le glorieux aviateur est reparti. Sup. posez qu'il n'ait pas de travail et qu'il - manque de pain, que serait-il advenu de lui ? Et bien ! ce cas se répète des centaines de fois. Je n'incrimine pas. Les responsables, c'est personne et c'est tout le monde, c'est même nous, journalistes, qui nous désintéressons vraiment trop facilement de nos frères que nous avions étouffés sous nos fleurs de rhétorique lorsqu'ils se faisaient crever pour nous. Deuxième requête : payer et au plus vite, j'en vois tous les jours des mutilés qui ont. faim et qui ne sont pas des paresseux. Ils ont travaillé tant qu'ils ont pu, mais, les affaires .se sont ralenties, et, dame. le patron se sépare d'abord, bien: à regret, de ceux qui fournissent 1s ■ moins d'ouvrage. ~ ; C'est à dessein que j'ai écrit dans mon titre « ... et les autres ». Le mutilé, c'est un blessé qui . a été reconnu comme tel, qui a des papiers en règle et qui porte dans sa poche toute une bibliothèque de documents prouvant qu'il a été blessé-... régulière ment, si j'ose ainsi dire. Il y.en a d'autres qui n'ont pas été enregistrés, qui ont voulu tenir quand même le coup..Ils sont restés jusqu'au bout et revenus à, la vie civile, ils traî nent une misérable existence en atten dant une mort-plus misérable encore. Ce sont les gazés. : . J'en ai vu par dizaines de ces malheu reux. Vous rappelez-vous que je signa lais à l'a bienveillance de M. Maginot la famille d'un de ces blessés non offi ciels qui, pour pouvoir travailler, "était obligé de s'arrêter, tous les deux pas, dans la rue. Il a vraiment été gazé celui-là, à moins} qu'on ne suppose qu'il ne se soit gazé lui-même. Il y a des témoins de sa bles sure. - Eh bien ! sa veuve et ses trois petits enfants attendent encore. Parmi les autres, il a aussi les vieux : les père et mère. - Ce vieux père, cette maman qui ont créé. et élevé. les: g-ars qui se sont" mis au trayers de la ruée. . C'est-eux qui ont peiné, c'est eux qui ont trimé, c'est eux qui ont dressé ces poitrines en face de l'ennemi. Eh bien ! la loi ne'les connaît pas. * Ah ! parlez-moi des veuves qui se ' sont fait une dot avec le sang de leur mari et qui vivent, tranquilles, puisque l'autre dort tranquille également , en plein champ ou peut-être sous l'Arc de Triomphe. Mais les vieux parents, comment osent-ils se présenter- ? Pourquoi osentils réclamer ? D'abord, les parents n'ont . aucun droit.; \ Pour eux, pas de pension, un simple secours renouvelable" à la condition qu'ils aient-55 ans ou qu'ils soient inca pables de gagner leur vie. Dans ce cas, s'ils sont deux encore, on leur donne 400 francs chacun pour un fils et pour le second cinquante francs chacun. > .Vous-voyez- bien que c'est pour rien. Louis MAFFERT...
À propos
La Presse, fondé en 1836 par Émile de Girardin, fut l’un des premiers grands quotidiens populaires français.
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