Extrait du journal

Dans les dépôts. — Dans la rue. Cochers et clients. — Les pourboires. Depuis ce matin, les rues et boulevards de Paris sont sillonnés par des fiacres munis du nouveau compteur kilométrique; les co chers inscrits pour conduire des voitures à taxamètre ont en effet trouvé ces voitures ce matin dans les dépôts; en même temps ils ont pu lire des affiches leur annonçant que le taxamètre n'était pas définitivement adopté, mais qu'il était pris à l'essai. « Essayons », ont dit les cochers. Nous avons essayé aussi ; tout d'abord, nous avons pris un cocher de l'Urbaine, qui nous a conduit, au petit pas de course, de la rue Montmartre au ministère de la marine ; nous n'avions pas mis neuf minutes pour accomplir cette petite course ; le cheval allait, au reste, à très bon train; nous de vions au cocherT5 centimes ; nous lui' avons donné un franc. — Hier, vous m'auriez donné trente-cinq sous, m'a dit mon cocher, vous y gagnez. — Hier, je ne vous aurais peut-être pas pris pour une si petite course, — C'est juste. Et notre cocher, drapeau rouge en l'air, s'en est allé. En sortant du ministère, nous avons pris un cocher de la Compagnie générale, à l'heure ; pour une heure un quart, nous avons eu à payer 2 fr. 95 ; avec 50 centimes de pourboire cela fait 3 fr. 45. Hier, nous aurions payé, pour une heure un quart, 2 fr. 50. Nous aurions donné aussi un pourboire de 50 centimes ; nous étions en perte de 45 centimes. Résultât : à la course, on gagne à prendre un fiacre au compteur; à l'heure, on y perd; mais au moins n'a-t-on pas de contestations sur l'heure du départ et celle de l'arrivée; ét si l'on mélange agréablement- les heures et les courses, les dépenses se balancent. L'avis des cochers Et les cochers ? Sont;ils contents ? A midi,' nous avons arrêté quelques co chers. Le 1248 avait fait une course de 85 centi mes, et conduit un voyageur à l'heure pour 4 fr. 45;les pourboires avaient été bons. Le 813 avait fait dix francs de recettes et reçu dé bons pourboires. Le 2169 avait fait une pètite course de un franc, et promené un client pendant une heure ; il; était sorti du dépôt à dix heures et demie. " , Le 3174 avait fait une course de 95 cen times, une course de 75 centimes et une autre de 1 fr. 25 ; il avait conduit cette foislà quatre personnes. — Ce n'est pas plus cher qua l'omnibus, m'a-t-il dit. Le 76.14, sorti à onze heures, n'avait pas étrenné. Le 1482 avait chargé six clients pour six petites courses ; la recette était un peu moins forte, mais il ne se plaignait pas. En résumé, les cochers que nous avons vus, même celui quifn'avait pas étrenné, se disaient satisfaits ; le système des petites courses leur plaît, et puis, il faut le dire,-ces cochers, sachant qu'ils ne sont que mille avec un taxamètre, comptent sur la curiosité du public qui les choisira de préférence aux autres pendant au moins quelque temps. Quant aux cochers sans taxamètre, ils s'entendent pour débiner le compteur, qui", disent-ils. ne rapportera pas plus au cocher que le mode actuel de paiement. Et ils of frent aux clients « la petite course à vingt sous.', sans pourboire ». -. La concurrence est l'âme du commerce....