Extrait du journal

LA CAMARADERIE ET L'ASSOCIATION. M. Scribe vient de faire recevoir au Théâtre-Français une pièce ayant pour titre la Camaraderie. Ce que peut être cette pièce nous importe peu. Ce n'est point notre atfaire d'y regarder, notre confrère Alexandre Dumas en a la charge : qu'il la garde. Nous avons trop souvent été ex posé à la littérature actuelle de M. Scribe, pour n'être pas devenu fort prudent à son propos. Mon ami Alexandre Dumas ne monterait pas la garde pour moi ; je n'irai pas voir la Camaraderie pour lui. La seule chose qui m'appartienne dans ce fait, la seule dont je m'empare , c'est qu'il existe une pièce de M. Scribe qui s'appelle la Camaraderie. En re montant bien attentivement le cours de mes souvenirs, je trouve que la camaraderie a été inventée en 1829 par M. de Latouche. Ce souvenir me tient au cœur par des endroits trop sensibles pour que je puisse m'y tromper. A l'époque où M. de Latouche triomphait dans la Revue de Paris, je succombais au théâtre del'Odéon. La capitale avai t applaudi pendant huit jours au spirituel article de M. de Latouche : on siffla cinq heures durant ma tragédie de Christine. Jamais je n'ai vu plus belle chute ; on se battit, on arracha des banquettes, on cassa les quinquets !... puis, le lendemain, M. de Latouche," me voyant par terre, m'écrivit tout doucereusement par les journaux qu'il n'avait point voulu me battre, et que je n'étais pas de ceux qu'il avait entendu ridiculiser dans son article de la camaraderie. Que Dieu lui pardonne d'avoir voulu promener sa . patte de chat sur mes blessures saignantes ! Quant à moi, je né m'en sou viens plus aujourd'hui que comme d'un service. Je prends acte de la lettre de M. de Latouche , et je mettions pour dit que je n'ai jamais fait partie de ce qu'on appelle la camaraderie. En ce cas, fort de ma conscience et du certificat de M. Latouche, je me pose fièrement dans1 le juste milieu de la camaraderie et de Vasso ciation, les deux grands partis littéraires qui divisent l'époque., et j'ai la prétention de les juger avec l'équité d'un fléau de balance. Seulement ! la pauvreté de notre langue m'étonne , et je suis très étonné qu'on ap pelle fléau l'instrument qui bat si rudement et celui-qui pèse si équitablement. ~ Or, ilne faut pas s'y tromper, la guerre littéraire va recommencer plus acharnée que jamais. Les esprits fatigués , en 1856 , des discussions politiques , comme ils l'ont été vers la fin de la Restauration, vont se tourner vers un champ où les opinions les plus exaspérées ne mènent point à Ctairvaux ou à la Force. Pour tout homme qui a en lui cet ins...