Extrait du journal

FRANCE PARIS , 18 AVRIL. MADAME,DUCHESSE DE BERRY. Certes, on peut le dire , si jamais princesse réunit à un degré éminent toutes les conditions et toutes les qualités qui peuvent concilier le respect et la sympathie d’une nation comme la nôtre, c’est Madame, duchesse de Berry. Née dans une contrée voisine et chez un peuple allié, le sang qui coule dans ses veines n’a rien d’étranger, c’est le pur sang de la plus ancienne famille na tionale, en possession depuis tant de siècles de donner des rois aux peuples et de mettre un nom français sur les trônes de l’Eu rope. Paraissant au milieu de nous avec l’intérêt qui s’attache à la jeunesse, il y eut tout d’abord chez notre nation, si jeune et si vive, présomption favorable en faveur de la fille des Fran çais d’Italie. Elle nous venait avec les grâces de son Age. Les destinées d’une maison royale près de finir allaient recommencer par elle) elle apportait à l’état et au trône une es pérance; derrière elle, il y avait un avenir. A tous ces avantages de position, il faut en joindre d’autres tout personnels à Madame. Quand on voulut s’occuper de modifier y d’après nos mœurs , l’éducation de la princesse venue d’Italie , on dut y renoncer , il n’y avait plus rien à faire , il se trouva qu’elle était Française. Le pur et noble sang de notre pays ne s’était pas refroidi sous un ciel étranger : caractère , goûts , qualités ", cœur , esprit , on ne vit jamais rien que de national chez Madame. De travail et d’é tude , elle n’en eut pas besoin pour plaire à sa nouvelle patrie ; quoiqu’elle fit, qu’elle sentit, qu’elle pensât, elle ne cherchait point les vœux , les goûts . les pensées , les sympathies , elle les rencontrait. La France la trouvant sur tous les chemins où clic se plaît à marcher , enthousiaste des arts comme elle , les proté geant et faisant encore mieux , les aimant en artiste , partageant le goût de la nation pour le plaisir , ayant des larmes et des se cours pour les malheurs . de la joie et de la gaîté pour les fêtes , montrant cette légèreté d’esprit et cette bonté d’âme qui est le fond du caractère national j en un mot, la France, qu’on souffre cette expression, la France , la trouvant Fanrçaisc de la tête au cœur , se mit tout naturellement à l’aimer. Les discords des opinions n’y firent point obstacles , car Madame la duchesse de Berrv a toujours vécu tout-à-fait en dehors de la politique. Elle avait fort peu de crédit chez les ministres , mais beaucoup chez les artistes , et elle en demandait souvent aux marchands qui ne se trouvaient pas mal d’avoir affaire à cette royale débitrice. On eût dit vraiment que Madame la duchesse de Berry était à-la-fois la grande aumônière et le ministre des menus-plaisirs de la France. Joignez à cela qu’à toutes ces brillantes qualités , à toutes ccs douces vertus si bien faites pour exercer de l’influence sur l’esprit français , le malheur vint bientôt ajouter son sceau véné rable. et vous arriverez à dire que jamais popularité n’a été jusqu’ici moins contestée ni moins contestable que celle dont Madame , duchesse de Berry . jouit en France. Il n’y avait donc pas lieu de s’étonner qu’à la nouvelle du fléau qui décime le pays , une affliction bien vive et bien naturelle se soit éveillée chez Madame. 11 y a des sentimensque rien ne sau rait altérer, et la loi révolutionnaire, qui a interdit à cette prin cesse le territoire de la France, n’a pu ni entendu lui interdire la...