Extrait du journal

» toujours plus de conseils que d’aumônes, et ont la langue plus déliée » que les cordons de leur bourse. » A ce moment, la diligence se remit en route, le gros flamand murmura quelques mots de mauvaise humeur, et le gentilhomme picard se prit à rire de bon cœur de la boutade du mendiant de Pixérécourt, Parbleu, ajouta ce ,bon gentilhomme, il parait que nos excellens princes d’Orléans sont partout les mêmes ; j’étais ces jours derniers à Ver»on, quand la famille était à Bizy, et je logeai au Cheval Blanc. Le duc de Nemours en passant se rappela qu'en revenant d’Afrique, il y a quatre ans, avec le bras fracturé, on avait eù pour lui dans cette auberge de grands soins ; il a voulu celte année témoigner sa reconnaissance à l’aubergiste, et comme souvenir, lui (et son frère lui ont fait remettre leur carte de visite. Gc (pii explique comment il se fait que sur la route de Normandie, que les princes d’Orléans parcourent au moins une fois par an en allant à Eu; les mendians appèlent princes, les voyageurs qui ne leur donnent rien. Nous arrivâmes à Boulogne d’assez bonne heure, car aujourd’hui, les diligences, voulant rivaliser de vitesse avec la poste et les chemins de fer, font la route en 21 heures, au détrimentde l’estomac des voyageurs, et au grand préjudice des aubergistes, qui ne vendent plus une côte lette ni une tasse de café. 11 en est toujours ainsi en France où une in dustrie ne se perfectionne jamais qu’aux dépens d’une autre. Boulogne est encore une ville à qui la Révolution de juillet n’a pas porté bonheur. Si florissante sous la Restauration, qu’elle avait, en quelques années, doublé presque son étendue et sa population, elle a reçu le dernier coup du vertige belliqueux de M. Thiers ; les Anglais qui faisaient la fortune de cette ville ont bien vite repassé le détroit, dès qu’ils ont vu transfor mer la terrasse de l’établissement des bains en plate-forme de redoute, et le 1er mars menacer Douvres de ses canons. Avec un homme comme M. Thiers, qui a la prétention de singer Bonaparte, les Anglais se sont crûs au moment, apres le traité du 15 juillet, de voir paraître dans le Moniteur au décret qui les renvoyât à Verdun, comme cela leur était ar rivé en 1803 après la rupture de la paix d’Amiens, et Boulogne est depuis ce temps resté à peu près désert et aux trois quarts ruiné. On compte beaucoup, pour y ramener les étrangers, sur l’inaugura tion de la statue de Napoléon sur la colonne de la grande armée. G’est une chose assez curieuse que de voir ces mêmes aulorités (le Boulogne, qui, l’an dernier, à peu près à la même époque, traquaient dans tous les coins Louis Napoléon et ses compagnons comme des bêtes fauves, s’é vertuer aujourd'hui à préparer l’apothéose de l’empereur, et d’entendre les mêmes voix qui s’égosillaient, il y a un au, â crier haro ! contre le neveu, chanter de toute la force de leurs poumons alléluia en l’honneur de l’oncle. Ce cortège triomphal passera par les mûmes rues, à travers lesquelles on a traîné captif le fils adoptif du grand homme qu’on va glorifier. Celte cérémonie est déjà considérée comme très ridicule ; c’est une idée malheureuse que de placer la statue de Napoléon eu face de cette côte d’Angleterre, contre laquelle tous ses projets ont avorté, depuis ce lui de la descente jusqu’à celui du blocus continental. La statue de Na poléon peut être bien placée partout ailleurs qu’en face du château de Douvres. Il ne vint pas à l’idée du sénat romain de faire élever une sta tue à Caligula , à l’endroit où il vint jeter des coquilles dans la mer,...