Extrait du journal
La prorogation dos pouvoirs de M. le maréchal de Mac-Mahon paraît être lq seul moyen qui reste aux conspirateurs de la fusion de couvrir leur défaite. La France, profondément troublée par leurs intrigues, a cependant conservé assez de sang-froid pour percer cette intrigue nouvelle. D^us cette occasion, les me neurs royalistes ont manqué d’habileté : H se sont trop pressés, et leur jeu est. dès à présent connu. Aussi, pourquoi s’avisent-ils de dire qu’ils sont prêts à vo ter une prorogation de pouvoirs de six ans, de huit ans, de dix ans? 11 y a même des écervelés qui vont jusqu’à dire que Von ne peut se tirer d’affaire qu'en nommant M. le maréchal de Mac-Mahon président à vie. Pourquoi ne pas le faire roi tout de suite ? Ce serait plutôt ter miné. Mais non. Il ne s’agit pas d’installer une dynastie nouvelle, mais, au contraire, de recourir à un expédient qui permette de réserver les droits de la vraie dynastie, celle des Bourbons de la branche cadette. Cet expédient, quel est-il ? La prorogation des pouvoirs du maréchal. Comme on sait que la restauration orléaniste ne sera pas possible d’ici à longtemps, on est prêt à concéder au maréchal des pouvoirs d'une longue durée. Croirait-on par hasard que le pays n'a perçoive pas quel abus de sa prérogative la majorité de l’Assemblée ferait, en consti tuant entre les mains du maréchal de Mac-Mahon des pouvoirs de la durée de ceux dont on parle ? Ce serait une erreur. Le pays voit très bien de quoi il s’agit, et il s’étonne et s’indigne de cet excès de la toute-puissance parlementaire. Car enfin, sans disputer ici sur le pouvoir constituant que l’Assemblée du 8 Février s’est attribué, il doit être peimis d’inter préter ce pouvoir constituant dans le sens même de la majorité. Au 24 mai, que pensait, que disait la majorité ? Elle pensait et disait qu’elle avait le droit et le devoir de donner à ce pays son gouvernement définitif. Dans la conviction de la majorité, ce gouverne ment définitif c’était la monarchie, et la monarchie nationale, appuyée sur le droit héréditaire et entourée des garan ties constitutionnelles. On sait quels ef forts ont été tentés pour constituer ce gouvernement définitif, lis ont rempli les quatre grands mois des vacances parle mentaires, et finalement ils ont abouti à la lettre de M. le comte de Chambord, qui est l’abolition même de la royauté parmi nous. Mais cet échec n’a pas pu changer le fond des choses, ni modifier les opinions de la majorité. La majorité conservatrice vou lait la monarchie ; elle a cru qu’elle pour rait la faire ; il se trouve qu’elle n’y peut réussir. Ce n’est pas une raison pour que le pouvoir constituant qu’elle s’attribue, s’étende au delà de toutes les limites pré vues et pour quelle en use pour établir un gouvernement qui n’est pas la monarchie, et qui ne serait pas davantage la Répu blique. Il y a des règles à observer, en matière de droit constituant. La monar chie, on sait ce que c’est ; la République, on sait aussi ce que c’est : ces deux formes de gouvernement ont des lois et reposent sur des principes. Mais ce qu’il s’agirait d’établir aujourd’hui, qu'est-ce que c’est ? Ce serait un gouvernement in nommé sans règles fixes, sans précé dents, sans avenir, sans racines dans le passé , sans liens avec le présent. ()n ne sait vraiment comment qualifier ce régime, et s’il y a un nom à lui appli quer, c’est celui de dictature militaire. La dictature militaire ! Et à quel pro pos et à quel moment 1 La dictature se rait-elle justifiée par quelque danger ? Le territoire vient d'ôtre libéré, notre rançon est payée, nous sommes en paix avec toute l’Europe. Voilà pour le dehors. Au dedans la paix est profonde. L’opinion est inquiète, c’est vrai, mais inquiète de quoi ? De ne pas voir un gouvernement définitif succéder à ce long provisoire de trois années, qui ne pourrait se prolonger sans nuire à tous les intérêts, industriels et commer ciaux, agricoles et financiers du pays. Que propose-t-on ? De perpétuer ce provisoire. Singulière façon de calmer les Inquiétu des ! Que vient donc faire ici la dictature militaire ? Nul, dans le pays,neia demande, nul n’y songe, et pourtant on voudrait nous l’imposer. Dans quel but? Dans l’unique but de permettre aux factions monarchiques de continuer leurs intri gues. Qu’est-ce qu’un semblable gouver nement ? Quelles garanties offre-t-il au pays pour ia protection de ses libertés et de ses intérêts ? On les cherche sans les trouver. En quel temps, en quel pays...
À propos
Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.
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