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La République française, 6 septembre 1895

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La République française
6 septembre 1895


Extrait du journal

Qu’arrivait-il, en effet, au fur et a me sure que les hôtels des monnaies met taient l’argent en interdit? C’était l’or qui, naturellement, devait de plus en plus prendre sa place dans les échanges soit intérieurs, soit internationaux, et qui, par conséquent, voyait son usage et ses em plois s’étendre et se multiplier comme à vue d’œil. Il fallait désormais de l’or au lieu d’argent pour payer tout ce qu’on achetait à l’étranger ; il en fallait à l’é tranger pour payer tout ce qu’il achetait ou devait en Europe. De là une chasse générale à ce métal privilégié, de plus en plus disputé, de plus en plus rare et par conséquent de plus en plus cher. La hausse formidable de l’or par rap port à toutes les marchandises, par rap port à l’argent lui-même, tel est le résul tat tangible et indiscutable de la crise monétaire déchaînée sur le monde depuis 1873. Voilà ce qu’il faut bien voir pour en mesurer les effets et pour en trouver le remède. C’est par erreur et parce qu’on prend trop souvent l’effet pour la cause qu’on parle sans cesse, dans la polémique cou rante sur la question, de la dépréciation de l’argent; la formule est inexacte, bien que le fait soit vrai en apparence. En réalité, l’argent n’a pas baissé en luimême; la meilleure preuve, c’est que, comme nous l’avons dit, dans les pays monométallistes argent, dans l’Inde, en Chine, au Japon, au Mexique, l’argent a toujours conservé la même puissance d’achat. Dans ces pays, on continue à se procurer la même quantité de produits pour la même somme d’argent qu’autrefois. C’est l’or seul qui a varié dans sa va leur et dans sa puissance d’achat, puis que, aujourd'hui, avec la même quantité d’or, on peut acquérir deux fois plus de produits qu’il y a vingt ans et par consé quent les payer en or deux fois moins cher. Il en est de même quand, avec de l’or, on veut aujourd’hui acheter de l’argent ; car, par le fait de sa démonétisation, 'argent a cessé d’être une monnaie, c’està-dire un produit ayant partout un prix fixe et certain, garanti d’avance par tous es hôtels des monnaies des pays bimétallistes ; il est devenu à son tour une marchandise comme les autres, soumise pour son prix aux fluctuations de l’offre et de la demande, et il est naturel qu’au fur et à mesure que son emploi moné taire diminue il voie sa valeur baisser à vue d’œil. Mais cette valeur, dans les pays mono métallistes or, no peut être mesurée qu’eu or, et c’est ainsi que la demande crois sante de l’or et son insuffisance à y ré pondre ont provoqué la baisse de l’argent partout; avec la même quantité d’or, on peut se procurer aujourd’hui deux fois plus d’argent qu’avant 1873. En réalité, ce n’est pas l’argent qui a baissé, c’est l’or qui a haussé par rapport à l’argent. M. Allard, dans son rapport au con grès agricole de Bruxelles, insiste avec juste raison sur un point de vue aussi essentiel et sur la nécessité de redresser l’opinion trop répandue et si fausse que c'est la baisse directe de l'argent qui a provoqué la crise monétaire : < Cette méprise persistante à ne pas vouloir con venir de la hausse de l’or et à n’aper cevoir que la baisse de l’argent rappelle, dit-il, cette illusion qui nous fait croire que c’est notre train qui marche, tandis que c’est celui d’à-côté... Il nous faut faire comprendre que c’est l’or qui a monté et non pas l'argent qui a baissé de valeur ; qu’en d'autres termes, la maladie contre laquelle nous luttons, à laquelle il faut un remède, c’est la hausse de l’or. Il y a plus do onze années que ce phéno mène a été signalé par l’un des plus éminents financiers anglais, M. Goschen. C’était en 1883, il a résumé sa pensée en quelques mots expressifs : « Heureux, > disait-il, ceux qui posséderont des livres » sterling d’or ; malheureux, par contre, » ceux à qui il restera des marchandises » ou des richesses à vendre ». > C’est toute la crise de baisse de prix résumée en deux mots heureux. On com mence aujourd’hui à comprendre com bien cette vérité dite il y a douze ans...

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

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