Extrait du journal

que ma volonté. » Eli ! mon Dieu ! on est toujours poussé par quelque chose à faire le mai ; cela est évident. Les gens qui sont méchants, comme Iago ou Narcisse, par amour de l’art, sont extrêmement rares ; peut-être même sont-ce des monstres éclos de la seule imagination des poètes. Tout homme qui fait un mauvais coup a toujours une raison de le faire. C’était à lui à se soustraire à l’empire de cette rai son. S’il est trop faible pour y résis ter, tant pis pour lui ! La société est en droit de prendre contre cette infir mité du vouloir des mesures de pré caution efficaces. Les assassins qui s’excusent de leur crime sur une éclipse de la volonté me rappellent les gamins qui chipent des billes à un camarade et que l’on prend en flagrant délit : — Ce n’est pas moi, disent-ils en goguenardant, c’est ma main ! —Ali ! c’est ta mai n, mon petit ami! Eh bien ! fais-moi le plaisir de la ten dre à la patoche : ça lui apprendra peut-être à se mieux surveiller ! Il n’y a pas d’enseignement plus déplorable que celui que donnent aux hommes les acquittements scan daleux provoqués par des rapports médicaux sur l’irresponsabilité des criminels. Admettons qu'il y ait des gens chez qui le vouloir est faible. Est-ce un bon moyen de le fortifier chez eux que de leur montrer un assassin lâché de la prison sous ce prétexte qu'il n’a pas su ni pu se commander ? C’est un encouragement à céder eux aussi ; c’est une prime à l’assassinat. Si la première femme qui a jeté du vitriol au visage de son amant avait été condamnée très net et très dur, et la seconde aussi, et la troisième pareillement, il n’y en aurait pas eu de quatrième. Le vouloir des autres eût été singulièrement raffermi par l'idée que, si elles s’abandonnaient à l’impulsion de la vengeance, elles se raient infailliblement punies. Au lieu de cela, on s’en va deman- j der aux médecins si elles n’ont pas S été entraînées par une force irrésis- ! tible. — Cette force était irrésistible, ré pondent ces messieurs. Là-dessus on acquitte les vitvioleuses, le public applaudit, et il s’en forme d’autres qui allégueront, comme les premières, leur irresponsabilité. Irresponsables ! irresponsables ! Vous prétendez l'être ? Eh bien ! à Charenton, alors ! C’est une prison moins infamante mais plus dure que Poissv. Puisque vous ne pouvez plus vous gouverner vous-même, puisque vous êtes incapable de résister à vos instincts et que ces instincts sont malfaisants, permettez-nous de substi tuer notre volonté à la vôtre, qui a disparu, et de vous garder contre vos défaillances entre les quatre murs d’un hôpital d’aliénés. Francisque Sarcey....