Extrait du journal
La commission du budget a constaté un délieit de deux cent millions. Elle va donc s’adresser au gouverne ment pour lui demander 1 argent. Le gouvernement s'adresse au Parle ment pour lui demander de le lui pro curer. Le Parlement s’adresse aux contribua bles pour lui demander de nouvelles contributions. Les contribuables s’adresseront à leurs bourses, qu'ils aplatiront en bénissant le ciel, qui leur a permis de vivre à une époque où, grâce à la grande révolu tion. ils payent dix fois plus d’impôts que sous l’ancien régime. Et tout le monde sera content. Ce contentement d’ailleurs n'est qu’à son début. 11 croîtra et embellira d’an née en année, car nous n’avons pas en core entamé le chapitre des grandes ré formes sociales. Et l'on sait que, si les réformes politiques coûtent déjà les yeux de la tète, avec les réformes socia les la tète y passera tout entière. Mon Dieu ! que cela coûte donc cher pour être heureux ! Si encore on l'était ! La France, qui fut jadis assez riche pour payer sa gloire, lest encore assez pour payer son bon heur. Mais je ne remarque point que sa félicité augmente en raison de ce qu’elle dépense. A vrai dire, elle n’en a pas pour son argent. Les contribuables sont contents, je l’ai dit, et je le répète. Cela va de soi. Ils savent qu’ils sont faits pour contribuer. Ils s'adaptent merveilleusement à leur fonction, et contribuent avec joie. Ce pendant il est peut-être d'autres plaisirs dans la vie que celui de verser ses écus dans la caisse du percepteur. Cela est une partie du bonheur, j'en conviens. Pourtant ce n’est pas tout le bonheur. J’entends bien qu’on me dit que, grâce à ces versements, nous jouissons d'un tas de biens, inconnus de nos ancêtres. Nous avons une police merveilleuse qui, à la vérité, n'arrête pas les apaches et ne prévient pas les crimes, mais veille sur tous nos actes, et nous empêche de nous abandonner à nos désirs. Nous avons réduit et simplifié la déclaration des droits de l'homme jusqu'à les résu mer tous en un seul qui est le droit d'ê tre administré et réglementé en toutes choses, et de ne rien faire de ce qui nous convient. Etre dirigé, cela ne sau rait se payer trop cher. 11 faut beaucoup moins de frais pour être libre ; mais la liberté, c’est du vieux jeu, cela ne se porte plus. N’en veut plus qui va de l’a vant. Seriez-vous par hasard réaction naire ? A Dieu ne plaise que je joue encore de celte guitare, qui était déjà hors d’â ge du temps de ce pauvre Ranc ! Je con nais trop bien mes auteurs pour ne pas savoir que le progrès ne consiste pas à être de plus en plus libre, mais bien au contraire à sacrifier successivement tou tes les libertés, jusqu'à ce qu’il n’en reste plus une seule. C’est ce qui s'appelle net toyer la maison. Les révolutions n’ont ja mais voulu autre chose. Quand l'ouvrage sera achevé, la maison sera très propre. Et nous ne pourrons pas la salir de nou veau, car on nous surveillera de près, pour que nous soyons bien sages. Je ne me plains pas. Pourquoi seraisje différent de mes compatriotes, dont aucun ne répugne à l'idée d'un gouver nement fort, et se sent agréablement chatouillé, quand on lui promet un re doublement de coups de pied au der rière ? Je ne trouve qu’une chose, c’est que ce gouvernement si délicieux est hors de pair. Ne pourrions-nous vrai ment être battus à meilleur compte ? « Non, non, me crie-t-on. Misérable ingrat, croyez-vous donc que tant de pei ne ne mérite pas un salaire élevé ? Vous vous imaginiez peut-être qu’on allait vous bétonner sans exiger de redevance! Eh ! qui peut solder votre peine, si ce n’est vous ? Comment ? Vous voudriez que tant de gens se donnent un mai cnorme pour vous molester, vous con trarier, vous empêcher de danser en rond ou en carré et qu'il ne vous en coûtât rien ! Mais, malheureux, quand vous étiez petit, et que votre nourrice vous donnait le fouet, est-ce que votre nourrice n’était pas payée ? Si vous étiez trop méchant, elles exigeait même de l’augmentation parce qu’elle était obligée de vous fouetter davantage et que cela la fatiguait. Croyez-vous que cela n’est pas fatigant de vous embêter tout le temps ? Allez, vous ne nous serez ■jamais assez reconnaissants. Craignez de nous décourager, et qu’un jour nous ne nous détournions de vous I Alors, vous seriez dans un bel état. Libres d’o...
À propos
Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.
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