Extrait du journal

On voit combien il en faut rabattre, même dans les hypothèses les plus opti mistes, de ces fantasmagories de 20 et 25 milliards d’or qu’on jette en pâture, dans tant de prospectus menteurs, à l’imagination enfiévrée des malheureux auxquels on soutire leur fortune ? Arrêtons-nous donc au chiffre le plus élevé des prévisions sensées, à ce chiffre de G milliards de marks d'or qu'il faudra mettre vingt ou trente ans à extraire. Que serons-nous devenus d’ici là, au milieu de la crise si violente et si pressante que nous traversons ? Suffira-t-il de cette perspective lointaine pour apaiser les passions et les révoltes qui grondent partout ? Est-ce d’ailleurs avec ces quelques mil liards que nous pourrons combler le vide énorme laissé dans la circulation moné taire par la démonétisation de l’argent et suffire aux besoins croissants du monde ? Comptons un pou, si nous voulons voir clair au lieu de nous repaître d illusions. Le calcul est facile à faire : do 1851 à 1873, les deux métaux or et argent four nissaient une moyenne d’extraction an nuelle représentant environ 930 millions, et M. Allard, si compétent sur un pareil sujet, estime, dans son savant rapport au congrès agricole de Bruxelles, que, pour subvenir à l’augmentation de la popula tion et des affaires, il faudrait certaine ment aujourd’hui au moins 1,200 millions. Or, depuis 1873 jusqu’en 1894. les mines d’or n ont donné qu’une moyenne do 55G millions par an, soit un déficit annuel de G14 millions, soit 12 milliards indispen sables rien que pour boucher le trou fait dans le capital monétaire du monde depuis vingt-deux ans. On voit qu’on aura beau faire suer l’or aux mines du Transvaal, ce sera à peu près comme si on jetait une fraise dans la gueule d’un loup....