Extrait du journal
LA POLITIQUE Premiers départs, premières fautes Comparant le présent au passé, le Rappel no se tient pas de joie devant l’organisation de tout point admirable, selon lui, de l’ex pédition de Chine. Son principal rédacteur Ch. B. s’écrie,plein d’enthousiasme : « Autant il y eut de désordre jadis, autant il y a à présent de méthode et de régularité. » « Je ne voudrais pas tirer de cette constatatation des conclusions trop élogieuses pour personne. Mais il m’est bien permis de me demander comment nos nationalistes vont s’y prendre, après cela, pour soutenir que le ca binet jette le trouble et le désarroi dans notre organisation militaire. » Autrefois, quand leurs amis dirigeaient les bureaux de la guerre et de la marine, ces bureaux sc montraient si notoirement infé rieurs à leur tâche qu’il y avait unanimité dans l’opinion pour protester. Maintenant que ces mêmes bureaux ont été réorganisés par des ministres clairvoyants, tout s’exécute dans un ordre si parfait qu’on ne tarit pas d’éloges à l’étranger sur la manière dont nous avons préparé l’expédition en Chine. » Je ne sais pas ce que les nationalistes ré pondront à notre enthousiaste confrère, mais ce que je sais, c*est que le Rappel recevait, dès hier matin, la réponse à sa question, au moment même où il la posait. C’est l'Aurore qui est allée ainsi au-devant des désirs quelque peu imprudents d’un jour nal dont les relations intimes avec les bu reaux du ministère de la marine ne sont un mystère pour personne : « Nous no saurions partager l’optimisme ministériel, dit l’écrivain pessimiste de l’Au rore. Certains faits tendent au contraire à prouver l’état lamentable du matériel naval employé dans la circonstance et la légèreté avec laquelle la mobilisation a été conduite.» Voilà qui est dur pour Ch. B. D’autant plus dur que l'Aurore ne se borne pas à cette sim ple affirmation et qu’elle signale, avec une précision cruelle pour le ministère et ses amis, les nombreuses fautes déjà commises, avec leurs déplorables conséquences. C’est d’abord la mésaventure du Guichen, immobilisé pendant deux jours à ^prt-Saïd, par un accident de machine. C’est ensuite VAmiral-Charner,dans lequel on a entassé des centaines de soldats sans que l’on ait rien fait dans l’aménagement de ce bâtiment pour réunir les conditions d’hygiène nécessaires à la santé des passa gers. Et non seulement on avait omis de faire exécuter les aménagements indispensables, mais l’administration de M. de Lanessan, que le Rappel comble de ses éloges, avait oublié d’embarquer le nombre de chauffeurs exigé par le service de la machinerie, si bien que, pour combler ces vides, on chargea du service de la chaufferie quelques jeunes soldats qui n’étaient nullement préparés à ce travail, pénible même pour ceux qui en ont l’habitude. Plusieurs de ces jeunes soldats succombèrent à la tâche. Quand il y en eut un certain nom bre de morts, on embarqua à la côte d’Afrique quelques Arabes dressés à ce service et em ployés habituellement pour les paquebots de la Chine et de l’Australie. L’installation de la chauffe était si défec tueuse que ces Arabes eux-mémes renon cèrent à remplir l’emploi de chauffeurs et que 1 ’Amiral-Charner dut s’arrêter à Djibouti. En ce qui concerne un autre bâtiment ex pédié par le ministère de la Marine, le trans port la Dordogne, l’incurie n’est pas moins blâmable. Ce ne sont pas ses fourneaux de chauffe, c’est sa coque qui est dans un état lamentable. Il venait de quitter Suez lors qu’une voie d’eau s’est déclarée, à la suite d’une avarie produite dans la tôle rongée par la rouille. Si l’accident, au lieu de se produire près de Suez, où l’on a pu revenir, avait eu lieu en pleine mer, on ne sait pas ce qu’il serait ad venu de la Dordogne et de ses 583 matelots et soldats, car ce bâtiment ne possédait pas à son bord les pompes d’épuisement nécessaires et n’avait comme moyen de sauvetage que quaire embarcations et une cinquantaine de ceintures en liège. Et nous ne sommes qu’au début d’une ex pédition qui s’organise avec une désespérante lenteur, sans que cette lenteur soit le moins du monde, on le voit par les détails que nous fournit l'Aurore, une garantie de méthode, d’ordre et de régularité dans les préparatifs. Décidément, le Rappel s’est un peu trop hâté de solliciter l’admiration du pays pour les ministres de son cœur : provisoirement, il faudra que ceux-ci se contentent de celle que leur prodigue notre peu exigeant confrère. E. V....
À propos
Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.
En savoir plus Données de classification - vuillod
- boissier
- leygues
- gaston boissier
- pichon
- millerand
- jura
- lair
- hardi
- teyssier
- chine
- paris
- pékin
- france
- europe
- rome
- aoste
- ostende
- gas
- clairvaux
- suez
- journal officiel
- conseil de guerre
- faits divers
- société des gens de lettres
- corda fratres
- ecole polytechnique
- académie française
- sénat
- capitole