Extrait du journal

LA POLITIQUE Le général avocat Le général André a assumé la charge de parler en province au nom du gouvernement. Il ne se passe pas de semaine, on pourrait même dire qu’il ne se passe pas de jour où il ne préside quelque cérémonie rurale ou ne procède à quelque inauguration. Tantôt il distribue des récompenses aux éleveurs de hôtes à cornes, tantôt il ouvre une ligne de chemin de fer ou fonde une pouponnière. Il parcourt la France, sans repos, de haut en bas. Tout lui est bon pour parader,banqueter et discourir. Aucun autre membre du gouvernement ne se sera montré autant que lui. On sait combien sont délicates souvent les situations respectives des fonctionnaires et des représentants du peuple, dans les dépar tements ; il faut un grand tact pour parler dans ccs milieux provinciaux semés d’embuches, hérissés de rancunes et d’envies. Le plus habile est généralement pour le gouvernement de s’abstenir ; mais c’est encore courir le ris que de mécontenter les populations en dé daignant leurs invitations. Le président du conseil a trouvé un moyen ingénieux de résoudre tous ces petits problè mes ; il envoie le général André. Celui-ci parle à tort et à travers ; mais on lui par donne tout pour sa qualité de soldat qui n’est pas forcé d’entendre quoi que ce soit à la po litique. 11 aime à se jeter travers au des ques tions si complexes qu’elle soulève, et il s’y conduit avec la bonne grâce d’un pachyderme enfermé dans un magasin de porcelaines. Tant mieux! Plus il est absurde, moins il est compromettant. Le gouvernement charge le général André d’aller parler politique, parce que ce qu’il dit ne tire pas à conséquence. Hier, le ministre de la guerre est allé inau gurer l’hôtel de ville de Saint-Yrieix, aux côtés de l’extraordinaire préfet de la HauteVienne qui a fait parler de lui dernièrement, à la tribune du Sénat, en termes si plaisants. M. Edgar Monteil, tout en argent et tout en plumes, a reçu avec faste le général André tout en plumes et tout en or. Il parait, disent les gazettes de l’endroit, qu’on a beaucoup ri à la préfecture. On n’imagine pas, en effet, que ces deux augures de la Défense républi caine aient pu se regarder sans rire. On n’attend pas que nous prenions la peine de discuter les déclarations politiques du gé néral André ; il ne nous convient pas d’y ajouter plus d’importance que n’y en ajoutent ses propres collègues. Mais nous ne pouvons nous empêcher de constater la pénurie de la harangue militaire officielle, que le général André prononce quelquefois ; nous disons « la harangue », parce que c’est toujours la même qui est re produite pour le public ; il se rattrape dans les conversations privées. Le général André est donc hanté d’une idée qui revient uniformément dans ses discours guerriers : « Il faut, s’écrie-t-il, préparer la victoire ; et il ne sert à rien de s’exercer et de se sacrifier, si ce n’est pour revenir victo rieux. » Profonde pensée I La grande duchesse de Gerolstein avait déjà résumé ainsi ses conceptions militaires, et l’on se rappelle avec quel brio, lorsque M. Edgar Monteil jouait déjà les ganaches, elle s’avançait à la tête de ses généraux, sur le devant de la scène, en attaquant... Nous reviendrons vainqueurs ! Au fait, nous voudrions bien savoir à quel moment le général André s’occupe de son mi nistère. On avait pensé jusqu’à ce jour que les fonctions de chef de l’armée étaient écrasan...