Extrait du journal
La question de l’heure d’été, sur la quelle le Parlement doit statuer une fois encore, sera-ce une fois pour tou tes ? est une affaire délicate parce qu’el le met malencontreusement aux prises, non les intérêts, mais les sentiments de la campagne contre ceux de la ville. Elle est moins grave qu’irritante et il s’y agite un ferment d’amour-propre, ce qui passionne un débat où il vaudrait : mieux ne mettre en avant que des con sidérations matérielles. On en est venu, dans certains milieux, à représenter l'opposition paysanne à cet égard com me une manifestation d’hostilité systé matique de l’homme des champs con tre l’habitant de la ville, chacun se re fusant à subir la loi de l’autre. C’est bien mal présenter les choses, alors que la réforme horaire ne doit porter atteinte aux intérêts de person ne : le paysan comme le citadin con servant — cela va sans dire — son droit imprescriptible de régler comme il l’en tend ses relations avec le soleil et avec la lune. Il ne s'agit, en effet, que de prolonger, pour les parias de nos cités, la radieuse bienfaisance d'une lumière dont iis ne privent personne, le soleil continuant à luire pour tout le monde sans (pie nos Josués parlementaires songent à en ar rêter ou à en avancer le cours. Les populations agricoles ont pris chez nous une inlluence justifiée, outre leur prépondérance numérique, par leur rôle durant la guerre, alors que les gars tenaient sur le front, tandis que les fem mes, les enfants et les vieux peinaient sur la glèbe. Notre gratitude doit s’en souvenir pieusement, disons mieux, fra ternellement. Il est donc à souhaiter avant tout qu’on ne laisse pas s'enveni mer le conflit de l’heure entre les deux grandes catégories de bons et braves Français : ceux qui fécondent la ferre et ceux qui pâlissent sur la paperasse ou l’établi. C’est donc en dehors des préventions et des suspicions de classe qu’il faut examiner le pour et le contre du pro blème : nous nous y appliquons dans ce journal, ouvert aux larges contro verses, qui ont pour effet d’éclairer tous les aspects d’une question sans rien laisser volontairement dans l’ombre. Le point de vue champêtre a été envisagé dans nos pages agricoles avec autant de franchise que de com pétence, par notre éminent collabora teur M. J.-H. Ricard, qui a chaleureuse ment plaidé la cause ; mais le mot plaider n'est pas de mise quand il s’agit, non pas d’un procès à gagner, mais d'une question matérielle à résoudre. C’est, en somme, un calcul à faire d’où il devrait ressortir, tout compte fait, si l'heure d’été coûte ou rapporte à la mas se, en ne s’inquiétant pas de savoir qui en bénéficie ou qui sacrifie le plus. Sans doute, cela ne peut pas se chiffrer du jour au lendemain, avec une précision décisive ; mais rien n’empêche de ten dre à une approximation suffisamment concluante, en présence de laquelle le parti le moins favorisé devrait incliner ses propres vues devant le bien général, n’étant aucunement menacé — "cela va sans dire — dans ses intérêts essentiels. Le principal inconvénient de l’heure d’été, au point de vue agricole, est dans les menus embarras qui résultent fatalement du désaccord de l’horaire du village avec celui de l’école et celui du chemin de fer. Pour l’école, où les enfants ont à fai re deux fois par jour, c’est une gêne courante, évidemment, mais il est aisé d'y remédier en ajustant la pendule scolaire au clocher qui persiste obstiné ment à se régler sur le soleil. Quant aux trains, il est bien facile aux paysans d’en faire la péréquation horaire par une correction mentale qui n’exige pas les aptitudes d’un Inaudi, ni le recours à la table des logarithmes. Et puis, le cultivateur ne passe pas son temps sur les voies ferrées, dont il n’u se guère qu’aux jours de marchés. La plus grande gêne est pour ceux qui ravitaillent les villes, et notamment la capitale ; mais ils opèrent de nuit et vivent nécessairement en marge des coutumes normales de la population ru rale comme de l’urbaine ; c’est une ca tégorie de travailleurs soumis à un ré gime d’exception qui nécessite des ajus tements particuliers auquel l’intérêt de leur opération les plie automatique ment. Il y a bien la question du soin des animaux et de la traite des ‘vaches qui demeure soumise aux traditions établies par le jeu de la lumière, suivant la mar che des saisons. La pratique de l’heure d’été n’y a rien changé, cela va sans dire, et les gens de la campagne s’en sont accommodés jusqu’à présent, avec le sens pratique qui les adapte, sans dé bat, aux exigences des nécessités ma térielles....
À propos
Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.
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